Dom Robert, l’un des plus grands peintres cartonniers du XXe siècle

Chefs d’oeuvre absolus !
Chefs d’oeuvre absolus ces tapisseries à la portée universelle ! Ce “jardin extraordinaire” créé par Guy de Chanac Lanzac dit Dom Robert, moine bénédictin de l’abbaye Saint-Benoît d’En Calcat à Dourgne dans le Tarn. Il fut l’un des plus grands artistes du XXe siècle qui trouva dans le cadre de son abbaye (où il vécut jusqu’en 1997), sa source d’inspiration. Et quel environnement ! la faune, la flore de la Montagne Noire ! Une illumination qui lui a révéler son univers pictural !
Qu’est-ce qu’un carton de tapisserie ? Dom Robert est un peintre cartonnier. Le carton tracé à l’échelle de la future tapisserie est le trait d’union entre l’artiste concepteur et le lissier exécutant l’oeuvre sur un métier à tisser. Cela peut-être une peinture, un dessin de la main d’un artiste ou d’un cartonnier, employé par une manufacture, et depuis les années 1960, un agrandissement photographique. Dom Robert a fait le choix du carton numéroté fondé sur un code de couleurs. La plupart de ses cartons sont dessinés en noir et blanc, avec des codes de couleurs reportés dans les formes et quelques rehauts d’aquarelle.
Qu’est-ce qu’une tapisserie ? La tapisserie est un ouvrage textile tissé manuellement sur un métier de haute ou de basse lisse, dont le décor est produit par les jeux d’une trame de fils coloré couvrant entièrement la chaine et le plus souvent destiné à être tendu sur un mur.
Qu’est-ce qu’une tapisserie de basse lisse ? La tapisserie est traditionnellement réalisée sur un métier à tisser au sein d’une manufacture publique ou d’un atelier privé. On parle de tapisserie de lisse en référence aux lames ou lisses qui composent le métier, monté soit verticalement (haute lisse) soit comme ici horizontalement (basse lisse). Aubusson a adopté la basse lisse, la manufacture des Gobelins, la haute lisse.
Les tapisseries devenues oeuvres d’art. En 1967, le législateur a fait passer la tapisserie de statut de produit manufacturé à celui d’oeuvre d’art à 8 exemplaires maximum

Du carton à la tapisserie



De cette aquarelle à ce fragment d’une paonne, la création de L’Eté

Les quatre saisons de Dom Robert (non, trois car l’hiver reste saison morte)
Les couleurs de la nature au long des saisons, voici une source d’inspiration essentielle pour Dom Robert. Frère David d’Hamonville, ancien abbé d’En Calcat précisait qu’l’artiste ne reconnaissait pleinement que “la vaste saison où la nature fait sa pavane, sa parade et son carnaval, un été qui prend le temps de s’annoncer et de se prolonger, depuis le prélude printanier jusqu’aux derniers flamboiements d’automne”.
Génèse d’un chef d’oeuvre, L’Eté
C’est Jean Lurçat après avoir rencontré Dom Robert à En Calcat en septembre 1941 qui lui conseille de choisir l’aquarelle La Ferme de Palaja comme maquette de sa première tapisserie. Elle sera tissée dans les ateliers Tabard à Aubusson fin 1941. Pour bien comprendre l’oeuvre de Dom Robert, lire le cartouche situé en bas : “Or je vous dis que Salomon lui-même dans toute sa gloire n’a pas été vêtu comme l’un d’eux” (Mt6, 29). La nature dans sa magnificence, est inégalable. Ici, tous les grands thèmes que Dom Robert déclinera par la suite, les animaux de basse-cour, les arbres, les fleurs et les papillons sont présents. La forme ovoïde contenant la scène centrale va devenir une caractéristique de ses compositions.

Sorèze, plus qu’un musée, c’est l’exposition d’une œuvre magistrale
A quelques kilomètres de cette abbaye bénédictine d’En Calcat, le maître de la tapisserie contemporaine possède depuis 2015, le plus beau musée qu’on puisse imaginer : l’Abbaye-école de Sorèze dont les immenses espaces et les murs protecteurs protègent cette collection unique de la lumière pour mieux l’exposer au regard des visiteurs. Une scénographie toute en limpidité conçue par l’architecte italienne Suzanna Ferrini pour découvrir deux cents œuvres et documents de cet incroyable artiste que fut Dom Robert (dont des dizaines de carnets de croquis et des dessins libres destinés à la préparation des cartons de tapisseries). Ici, on part des dessins jusqu’aux tapisseries (dont trente-cinq tapisseries de Dom Robert) en passant par les cartons et le savoir-faire des lissiers d’ateliers prestigieux à Aubusson. Ce peintre cartonnier a puisé ses sources d’inspiration en arpentant cahier de croquis à la main, son environnement le plus proche, la Montagne Noire. Il a dessiné Mille-fleurs*, cette thématique de la prairie fleurie peuplée d’animaux.
*Il reprend la tradition du mille-fleurs qui constituait le fond de la tapisserie médiévale.



Nouvel accrochage 2024 au musée Dom Robert : Prairies animées, une ode à la nature
Ce sont des oeuvres qui n’ont encore jamais été présentées : regardez, ce n’est pas seulement un champ verdoyant, un arbre fleuri ou une mare paisible, mais bien le bourdonnement de l’abeille, le battement d’ailes du papillon, le pépiement de l’oiseau, le bondissement du chien, le chat qui se faufile avec souplesse, les ondulations de la rascasse. Une promenade dans la nature tarnaise de Dom Robert, dans ce monde vibrant en cherchant le détail dans la tapisserie pour s’étonner, s’enchanter.
Ces “Oiseaux Rares” aux plumages luxuriants
Cette tapisserie fait partie de la série des arbres aux oiseaux, initiée avec L’Arbre qui chante, en 1950. Première oeuvre tissée à l’Atelier de Suzanne Goubely en 1955. Les plumages luxuriants des oiseaux de parades s’équilibrent avec les feuilles-fleurs multicolores. Un oiseau rouge aux plumes d’Apache semble nous fixer.

Etonnant ! La Création de l’homme, une des rares tapisseries de Dom Robert à thème religieux
La Création de l’homme fut le premier élément d’une suite (jamais aboutie) destinée au chœur de l’abbatiale d’En Calcat. Le carton a été tissé en un seul exemplaire en 1946 puis la tapisserie fut acquise par l’Etat français. Elle fut offerte en 1954 par le Président Coty à la reine des Pays-Bas. Dom Robert instille la symbolique traditionnelle du Paradis terrestre. La forme ovoïde renvoie à la terre primordiale d’où surgit l’arbre de vie. Sous les pieds du Dieu créateur, sourd la rivière de jouvence dont la forme serpentine suggère aussi la chute à venir. Le Père créateur en pantoufles et tunique de brocard, façonne dans l’argile le premier homme, Adam, dont le nom signifie littéralement le glaiseux. Il porte le tablier bleu des moines d’En Calcat au travail.

La vie de Dom Robert, moine bénédictin, génial artiste du XXe siècle
Voici une présentation de sa vie toute en aquarelles. Mais d’abord Guy de Chaunac Lanzac nait en 1907 dans la Vienne. Durant les années 1920, jeune dessinateur, il s’inscrit à l’Ecole des Arts Décoratifs de Paris. Service militaire au Maroc dans l’Atlas. A son retour, il dessine des modèles de tissus pour la Maison Ducharme.

1930, il devient moine bénédictin à l’abbaye d’En Calcat à Dourgne dans le Tarn et sera ordonné prêtre en 1937 prenant le nom de Dom Robert.


1940, démobilisé, il a la révélation de son univers pictural en contemplant le spectacle d’une cour de ferme.
1941, rencontre avec Jean Lurçat. Impressionné par ses enluminures et aquarelles, il décide de devenir peintre cartonnier. Ses oeuvres seront alors tissées à Aubusson chez Tabard puis chez Suzanne Goubely.
De 1947 à 1958, intermède anglais au sein de l’abbaye bénédictine de Buckfast dans le Devon où il continue son oeuvre qui commence à être diffusée par de grandes galeries.


1958, retour à En Calcat où il trouve dans la nature de la Montagne noire, une source d’inspiration inépuisable. Elle se concrétise par un rythme soutenu de création de tapisseries.

1994, il fait une chute qui l’oblige à cesser toute activité. Il devait mourir à En Calcat le 10 mai 1997, entouré de ses frères moines.
Bienvenue au musée Dom Robert à l’Abbaye-école de Sorèze
Le musée Dom Robert (intégré au site “Cité de Sorèze”) couvre 1500 m2 dans une aile de l’Abbaye-école de Sorèze. Il permet de suivre le processus de création d’une tapisserie, depuis les dessins de l’artiste jusqu’à l’oeuvre achevée, en passant par la création du carton de tapisserie. Ici, l’oeuvre de Dom Robert est restituée dans le contexte de création des arts décoratifs du XXe siècle dont la tapisserie d’Aubusson a été un des fleurons. La collection du musée rassemble 66 tapisseries de Dom Robert et 56 tapisseries d’autres artistes plus une centaine de cartons de tapisserie et près de 2000 dessins, aquarelle et lithographies.




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