Dom Robert, quand un moine bénédictin crée quelques unes des plus belles tapisseries du XXe siècle

Dom Robert, l’un des plus grands peintres cartonniers du XXe siècle

Voyez cette tapisserie “Mille-fleurs sauvages” dont le carton date de 1961. C’est une tapisserie de basse lisse, laine et coton venant de l’Atelier La Beauze à Aubusson en 1999. Ici le thème de la prairie fleurie cher à Dom Robert. Elle est peuplée d’animaux de basse-cour. Le tapis de mille-fleurs qui, dans la tapisserie médiévale constituait le fond d’une scène animée de personnages et d’animaux, rivalise ici avec les volailles, sans aucun rapport d’échelle réaliste. Cliché © François Collombet.
Dom Robert trouva sa veine d’inspiration dans la nature de la Montagne noire, toute proche de son abbaye d’En Calcat. Cliché © François Collombet.

Du carton à la tapisserie

Cette aquarelle (dont on voit ici un détail) de 1940, La Ferme de Palaja est devenue la maquette de L’Eté, la toute première tapisserie de Dom Robert tissée en 1942. Cliché © François Collombet.
Paonne, fragment, carton de la tapisserie L’Eté de 1941. Cet élément est un résidu du premier carton de la tapisserie de Dom Robert, l’été, que le peintre cartonnier a découpé lui même pour créer une nouvelle tapisserie : “je viens d’expédier à votre adresse un premier morceau de mon carton de tapisserie, à une largeur de 80 cm. Selon les indications de monsieur Lurçat, je l’ai simplement dessinée au crayon en notant dans chaque casier le numéro de la couleur correspondante… “( Lettre du 23 octobre 1941). Photo © François Collombet.
Musée Dom Robert, salle atelier de tissage. Photo © François Collombet.

De cette aquarelle à ce fragment d’une paonne, la création de L’Eté

L’Eté d’après un carton de 1941 de Dom Robert. Tapisserie basse lisse, laine et coton. Tissage Atelier Tabard à Aubusson (1947). Photo © François Collombet.
Le Printemps 1942, grande tapisserie de 256,4 x 318,8 cm d’après Dom Robert (Cité de Sorèze, musée Dom Robert). Photo © François Collombet.
Entrée du musée Dom Robert et de la Tapisserie du XXe siècle à Sorèze. Elle a été constituée dès 1997 par la communauté Saint-Benoît d’En Calcat. En 2014, elle donnait la collection au Syndicat mixte de l’Abbaye école de Sorèze. Ce fut le premier fond du musée comportant les trente-cinq tapisseries d’artistes contemporains de Dom Robert et les archives de l’atelier Goubely. Photo © François Collombet.
Intérieur du musée Dom Robert à Sorèze dont la scénographie a été conçue par l’architecte italienne Suzanna Ferrini et l’équipe de conservation dans le respect de l’architecture des bâtiments anciens. C’est une mise en espace très contemporaine du processus de création de Dom Robert depuis le dessin ou le carton jusqu’à la tapisserie. Photo © François Collombet.
Depuis 2015, l’Abbaye-école de Sorèze abrite le musée Dom Robert et de la tapisserie du XXe siècle. Ici, salle des grandes tapisseries. Tous les 3 ans, l’accrochage du musée est renouvelé avec pour objectif la conservation de cette collection très sensible à la lumière. Le savoir-faire des lissiers d’Aubusson y est mis à l’honneur. Rappelons qu’il est classé par l’Unesco Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité. Photo © François Collombet.

Nouvel accrochage 2024 au musée Dom Robert : Prairies animées, une ode à la nature

Les Oiseaux Rares d’après Dom Robert. Tapisserie de basse lisse laine et coton. Atelier Goubely-La Beauze, Aubusson, 2002. Carton de 1955. Photo © François Collombet.

La Création de l’homme fut le premier élément d’une suite (jamais aboutie) destinée au chœur de l’abbatiale d’En Calcat. Le carton a été tissé en un seul exemplaire en 1946 puis la tapisserie fut acquise par l’Etat français. Elle fut offerte en 1954 par le Président Coty à la reine des Pays-Bas. Dom Robert instille la symbolique traditionnelle du Paradis terrestre. La forme ovoïde renvoie à la terre primordiale d’où surgit l’arbre de vie. Sous les pieds du Dieu créateur, sourd la rivière de jouvence dont la forme serpentine suggère aussi la chute à venir. Le Père créateur en pantoufles et tunique de brocard, façonne dans l’argile le premier homme, Adam, dont le nom signifie littéralement le glaiseux. Il porte le tablier bleu des moines d’En Calcat au travail.

La Création de l’homme d’après Dom Robert. Tapisserie basse lisse, laine et coton. Carton de 1946. Tissage Atelier de La Beauze à Aubusson 2004. Photo © François Collombet.

La vie de Dom Robert, moine bénédictin, génial artiste du XXe siècle

Voici une présentation de sa vie toute en aquarelles. Mais d’abord Guy de Chaunac Lanzac nait en 1907 dans la Vienne. Durant les années 1920, jeune dessinateur, il s’inscrit à l’Ecole des Arts Décoratifs de Paris. Service militaire au Maroc dans l’Atlas. A son retour, il dessine des modèles de tissus pour la Maison Ducharme.

Autoportrait à l’échelle (en arrière plan) , aquarelle de 1939, à Raucourt en Lorraine. Cliché © François Collombet.

1930, il devient moine bénédictin à l’abbaye d’En Calcat à Dourgne dans le Tarn et sera ordonné prêtre en 1937 prenant le nom de Dom Robert.

Aquarelle (1934) de frère Robert (devenu Dom Robert après son ordination en 1937), représentant l’abbaye Saint-Benoît d’En Calcat au pied de la Montagne Noire, sur la commune de Dourgne dans le Tarn (diocèse d’Albi). C’est une abbaye bénédictine fondée en 1890 qui fait partie de la congrégation de Subiaco Mont-Cassin. Elle rassemble aujourd’hui une quarantaine de moines sous la conduite de Frère Columba Jannesson nommé Prieur-administrateur avec un mandat renouvelable de 2 ans (renouvelé en 2023). Il a succédé à Frère Emmanuel Roques élu en 2020 comme Père Abbé mais décédé en février 2021. Cliché © François Collombet.
Aquarelle de Dom Robert représentant les moines d’En Calcat avec leur tablier bleu de travail. Cliché © François Collombet.

1940, démobilisé, il a la révélation de son univers pictural en contemplant le spectacle d’une cour de ferme.

1941, rencontre avec Jean Lurçat. Impressionné par ses enluminures et aquarelles, il décide de devenir peintre cartonnier. Ses oeuvres seront alors tissées à Aubusson chez Tabard puis chez Suzanne Goubely.

De 1947 à 1958, intermède anglais au sein de l’abbaye bénédictine de Buckfast dans le Devon où il continue son oeuvre qui commence à être diffusée par de grandes galeries.

Dom Robert, Gouache sur papier 1955. Il l’a intitulée “Monks Gardening” alors qu’il résidait à l’abbaye de Buckfast dans le Devonshire entre 1948 et 1958. Elle était destinée à la galerie Guimpel de Londres où il exposait régulièrement. Ce travail des moines à l’entretien de leur jardin reprend la règle bénédictine : “Ora et Labora” (prière et travail). Cliché © François Collombet.
Moines jouant au cricket à Buckfast (1950). Aquarelle caractéristique de tout un pan de l’oeuvre peinte et dessinée de Dom Robert. Elle est dédiée à la vie monastique et aux “récréations” qu’elle pouvait procurer. Si à Buckfast c’est le cricket, à En Calcat, c’est le Volley-ball. Cliché © François Collombet.

1958, retour à En Calcat où il trouve dans la nature de la Montagne noire, une source d’inspiration inépuisable. Elle se concrétise par un rythme soutenu de création de tapisseries.

Dom Robert travaillant sur le carton de tapisserie resté inachevé, L’Horreur du vide dans les années 1990. Cliché © François Collombet.

1994, il fait une chute qui l’oblige à cesser toute activité. Il devait mourir à En Calcat le 10 mai 1997, entouré de ses frères moines.

Bienvenue au musée Dom Robert à l’Abbaye-école de Sorèze

Le musée Dom Robert (intégré au site “Cité de Sorèze”) couvre 1500 m2 dans une aile de l’Abbaye-école de Sorèze. Il permet de suivre le processus de création d’une tapisserie, depuis les dessins de l’artiste jusqu’à l’oeuvre achevée, en passant par la création du carton de tapisserie. Ici, l’oeuvre de Dom Robert est restituée dans le contexte de création des arts décoratifs du XXe siècle dont la tapisserie d’Aubusson a été un des fleurons. La collection du musée rassemble 66 tapisseries de Dom Robert et 56 tapisseries d’autres artistes plus une centaine de cartons de tapisserie et près de 2000 dessins, aquarelle et lithographies.

Entrée de l’Abbaye-école qui ouvre depuis 2015 sur le musée Dom Robert et de la Tapisserie. Photo © François Collombet.
Le musée Dom Robert a intégré en 2015, l’Abbaye-école de Sorèze, cette ancienne abbaye bénédictine qui accueillit dès le XVIIe siècle, un école dont la renommée fut internationale. Elle est désignée “Ecole royale militaire” par Louis XVI en 1776. De nombreux enfants du monde entier l’ont fréquentée jusqu’à sa fermeture en 1991. Photo © François Collombet.
Elodie Gomez Pradier est la conservatrice des collections et directrice adjointe de la Cité de Sorèze. Le musée Dom Robert et de la tapisserie du XXe siècle vient d’inaugurer sous sa supervision et pour 3 ans son nouvel accrochage. Prairies animées est une ode à la nature pleine de vie. Sur près de 200 tapisseries qui reposent dans les réserves, 34 sont présentées au public. « Ces rotations nous permettent de montrer une autre partie de la collection, de faire dialoguer nos objets entre eux ou avec d’éventuels prêts” précise Elodie Gomez Pradier. Photo © François Collombet.

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