Toulouse-Lautrec chez lui à Albi, à l’ombre de la cathédrale Sainte-Cécile

La plus importante collection publique au monde des œuvres de Toulouse-Lautrec
Quel paradoxe pour Sainte-Cécile, grandiose cathédrale d’Albi élevée telle une forteresse rouge face à l’hérésie ! Elle abrite en son palais épiscopal (Le palais de la Berbie), le musée Toulouse-Lautrec. Il réunit la plus importante collection publique au monde de ses œuvres. Mais Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa né à Albi à l’hôtel du Bosc en 1864, grand aristocrate descendant des comtes de Toulouse incarne en cette fin du XIXe siècle le scandale. Ses modèles : des putains, des chanteuses, des danseuses, des actrices, des écuyères de cirque. Affecté d’une maladie des os qui l’a rendue presque nain*, il est aussi ce nabot syphilitique et alcoolique qui s’exhibe nu devant ses amis photographes, en enfant de chœur barbu sur la plage de Trouville. Il lui arrive aussi de se déguiser en muezzin pour appeler de sa fenêtre ses amis, à la prière. Durant les dernières années de sa vie, il alterne des crises de délire et des phases de travail intense avec des séjours en cure de désintoxication ou en bord de mer. Il meurt le 9 septembre 1901 à 36 ans au château Malromé, à Saint-André-du-bois en Gironde.
* Encore adolescent, Henri est victime d’une fracture du fémur gauche puis de la jambe droite. Atteint de la pycnose, une maladie des os héréditaire, sa croissance est stoppée. Il ne dépasse pas 1,52 m. Jamais il ne put réaliser son rêve : monter à cheval et accompagner son père à la chasse.
Albi, à l’ombre de la cathédrale Sainte-Cécile, un peintre à scandale, Toulouse-Lautrec
Cette cathédrale d’Albi rouge brique n’a-t-elle pas tout d’une forteresse ! Voici donc la plus grande cathédrale de briques au monde (113 m de long, 35 m de large, 78 m de haut) classée sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. Hissée sur son rocher, elle est visible de partout. Elle est le cœur de la plus extraordinaire cité épiscopale du Midi (comparable à celle de Poreč en Croatie)*
*L’ensemble épiscopal de cette basilique Euphrasienne, dans le centre historique de Poreč (en Istrie) comprend, outre la basilique elle-même, une sacristie, un baptistère, un campanile et le palais épiscopal. L’ensemble est un chef d’œuvre de l’art byzantin édifiée au VIe siècle. Il a été inscrit au patrimoine de l’humanité par l’Unesco en 1997.


Avec Toulouse-Lautrec c’est un autre monde qui s’expose, la débauche !
En contre-bas de la cathédrale, au palais de la Berbie, c’est un autre monde qui s’expose, celui de la débauche, de la prostitution, des courses, celui de Paris et de Montmartre à la fin du XIXe siècle avec les filles de joie, les danseuses, les chanteuses… ; le monde des maisons closes, des cabarets, des théâtres, des café-concert, des bals… C’est l’œuvre d’un enfant d’Albi, Toulouse-Lautrec, peintre expressionniste (et postimpressionniste), dessinateur, affichiste et lithographe, celui qui sut outrepasser toutes les conventions pour vivre un attachement charnel à son art. S’il défia la morale, il garda toute sa très courte vie un regard profondément humain pour celles (et ceux) qui furent ses modèles. Il meurt à seulement 36 ans, laissant une œuvre immense composée de plus de 700 peintures, 275 aquarelles, 369 lithographies. Il est enterré à Verdelais en Gironde.



Toulouse-Lautrec et l’art de l’affiche
Tout récemment une exposition montrait la diversité et la modernité de l’œuvre d’affichiste de Toulouse-Lautrec, tout en la replaçant dans un contexte spécifique, celui de l’essor de l’affiche illustrée et du développement de la publicité moderne. L’affiche devait en effet connaître un large développement après la promulgation de la loi du 29 juillet 1881 qui consacrait la « liberté de la Presse » et proclamait le libre affichage.
Première affiche “Moulin-Rouge, la Goulue”
Jules Chéret, peintre et affichiste introduisit et développa l’usage de la couleur dans la lithographie. En 1889 il est l’auteur de l’affiche qui lança le bal du Moulin Rouge. La première affiche « Moulin-Rouge, la Goulue » commandée en 1891 à Toulouse-Lautrec par Zidler, directeur du célèbre cabaret, fut un succès. Elle incita Lautrec à s’engager dans la création d’affiches et plus largement de lithographies. Entre 1891 et 1900, Henri de Toulouse-Lautrec créa 31 affiches et près de 325 lithographies ce qui lui permettra de se faire connaître d’un plus large public.



Toulouse-Lautrec, ce gnome génial !
Toulouse-Lautrec, gnome génial est un géant de la peinture expressionniste. S’il eut comme modèle, les bordels de Montmartre, ses théâtres, cabarets et autres café-concert, son œuvre est percluse d’humanité montrant les conditions inhumaines dans lesquelles ces femmes travaillent ! Pas de moralisme, rien de scabreux. Aux autres, le clin d’œil graveleux. D’ailleurs, la beauté n’est presque jamais de mise. Voir les portraits de ces femmes aux visages vieillies, ces expressions d’effort, de lassitude, de fatigue : c’est un corps souffrant a-t-on dit qui dessine des corps souffrants. Jamais, il n’a été ce peintre maudit rejeté par sa famille même si son père le somma de ne plus signer par son nom de famille. Mais il est à ses côtés à sa mort par une nuit d’orage, le 9 septembre 1901 au château Malromé en Gironde. Il a 36 ans. Ses peintures, ses dessins, ses affiches, ses lithographies s’exposent aujourd’hui en toute majesté, à l’ombre de la cathédrale. Il y est assurément à sa place. Jésus n’a-t-il pas pardonné à la femme pécheresse, cette prostituée, venue répandre du parfum sur ses pieds (Luc 7,36-50) ?

L’impératrice du Japon Michiko à Albi face à l’œuvre de Toulouse-Lautrec

En 1994, Albi recevait la visite du couple impérial japonais
Faut-il rappeler qu’en 1994, Albi recevait la visite du couple impérial japonais. L’impératrice Michiko (issue d’un milieu catholique), influencée par son frère (il avait une passion pour Toulouse-Lautrec) demanda à visiter seule l’exposition. Toulouse-Lautrec ne compte-t-il pas parmi les japonistes les plus célèbres avec Van Gogh ou Monet (l’art de l’estampe) ?

Sa mère, la comtesse Adèle de Toulouse-Lautrec voulût perpétuer sa mémoire
Aujourd’hui, Toulouse-Lautrec est l’un des artistes français les plus populaires au monde (et l’un des plus chers). Albi eut la chance d’hériter des œuvres restées dans son atelier à sa mort en 1901*. La comtesse Adèle de Toulouse-Lautrec désirait ainsi perpétuer la mémoire de son fils. Pour la petite histoire, le musée du Luxembourg déclina ce legs sans doute trop considérable ! Dès 1922 étaient inaugurées les galeries consacrées à Toulouse-Lautrec dans cette forteresse de briques médiévale qu’était le palais de la Berbie.
* En fait, il n’avait pas besoin, financièrement de les vendre, même s’il voyait dans la vente la reconnaissance de son art.
Le palais de la Berbie expose Toulouse-Lautrec
En 2012 et après 11 ans de travaux, s’ouvrait un lieu unique dans ce palais épiscopal entièrement restauré offrant enfin une muséographie digne de la plus grande collection publique, en France comme à l’étranger, dédiée à l’enfant du pays. Le palais de la Berbie est le musée qui réunit la plus importante collection des œuvres de Toulouse-Lautrec : 31 affiches du peintre lithographe, 219 peintures, 563 dessins, 183 lithographies. Les premières salles sont consacrées aux œuvres de jeunesse autour de sa famille, ses amis et son thème de prédilection, les animaux. Puis vient l’univers parisien du peintre, les maisons closes et surtout le monde du spectacle, le cirque. Au deuxième étage, une collection d’art moderne pour évoquer les amitiés artistiques et les contemporains d’Henri de Toulouse-Lautrec : Emile Bernard (1868-1941), Maurice Denis (1870-1943), Pierre Bonnard (1867-1947), ainsi qu’un ensemble de peintres dits de la “Réalité poétique”.




Cette éclatante Cité épiscopale au Patrimoine mondial de l’Unesco
Il faut imaginer cette Cité épiscopale comme un ensemble exceptionnel de bâtiments classés et remarquablement préservés.* Elle est structurée autour d’abord de sa cathédrale monumentale exprimant un style gothique méridional unique, complété aux XVe et XVIe siècles par un décor intérieur exceptionnel (peintures, chœur et statuaire). Ensuite, le palais forteresse épiscopal (Palais de la Berbie). Il a été érigé au XIIIe siècle. Il accueille aujourd’hui le Musée Toulouse-Lautrec. Le tout se présente dans une parfaite cohérence visuelle due à l’usage de la brique foraine (brique de tradition romaine, grandes et plates). Vient ensuite l’église Saint-Salvi et son cloître, le Pont-vieux (qui vient d’être restauré) et enfin les berges du Tarn comprises entre le Pont-vieux et le pont ferroviaire. Quel spectacle !
*D’une superficie de 19 ha, la Cité épiscopale d’Albi représente une partie du centre historique de la ville. Elle recouvre quatre quartiers, structurés autour de quatre monuments emblématiques de la ville : la Cathédrale Sainte-Cécile, le Palais de la Berbie, l’Église Saint-Salvi et son cloître, le Pont-Vieux.

Le palais de la Berbie a été érigé au XIIIe siècle. Il accueille aujourd’hui le Musée Toulouse-Lautrec. Le tout se présente dans une parfaite cohérence visuelle due à l’usage de la brique foraine. le Palais de la Berbie à l’instar de la cathédrale Sainte-Cécile a des allures de citadelle. Sa construction a débuté en 1228. Jusque dans les années 1300, le palais est transformé en véritable château avec donjon, tours et murailles. A partir du XVIIe siècle, ses fortifications vont s’ouvrir côté Tarn et le palais est agrémenté d’un jardin à la française en balcon de la rivière Tarn.


La cathédrale Sainte-Cécile et le palais de la Berbie se présentent dans une parfaite cohérence visuelle due à l’usage de la brique foraine. Photos © François Collombet

Accueillis par celles (et ceux) qui dirigent et administrent le musée Henri Toulouse-Lautrec
