Qui n’a pas rêvé de Buenos Aires ?
Buenos Aires, que abrazo ! Dès le premier contact, cette ville est incroyablement séduisante. Elle vous prend en main, elle vous guide comme pour un tango. Cette immense métropole de 15 millions d’habitants (deuxième ville d’Amérique latine, 3 millions, intra-muros) s’étend sur 3800 km2 (Paris 105 km2). Elle se divise en une multitude de quartiers (barrios). Ils se définissent comme sûrs, pas sûrs, « à éviter », les tops, les branchés, les « craignos ». Rien que pour les plus centraux, ce sont évidemment les plus bourgeois, les plus bohêmes ou les plus historiques et surtout les plus touristiques : Balvanera, San Telmo, Recoleta, Palermo, San Nicolas, Montserrat, Retiro ou Puerto Madero, le nouveau quartier d’affaire. Et puis, il y a la Boca, à une demi-heure (à pied) de Plaza Dorrego (San Telmo). On change de dimension : extravagance, folie, insécurité. C’est le Buenos Aires libéré ! La Boca, quartier ouvrier (d’origine italienne) est située à l’extrême sud-est de la ville. Il est connu dans le monde entier pour son stade de foot le plus mythique de la planète (La Bombonera)*, son univers festif, artistique si bien retranscrit dans les toiles du grand peintre argentin (enfant de La Boca), Benito Quinquela Martin (1890-1977). Ses rues sont une explosion de couleurs. C’est ici où peintures et personnages viennent s’exhiber sur les façades en tôle des maisons ; où les porches servent de minuscules milongas ; où Caminito (rue la plus connue de La Boca) n’est autre que le titre d’une chanson de Tango du célèbre Carlos Gardel.
*On ne peut pas évoquer La Bombonera sans penser à Diego Maradona, mort en novembre 2020. Il a porté les couleurs de ce stade mythique (Laguarida de Boca Juniors) 2 fois (1981-1982 et 1995-1997). Il fut surnommé “El Pibe de Oro”. Il est considéré comme l’un des plus grands joueurs de football de l’Histoire.







Enfin Buenos Aires !
Une fois passée la cohue de l’aéroport Ezeiza (en plein agrandissement), question change, crise économique oblige, ça change en permanence. Ajoutez une commission exorbitante. Alors, on négocie discrètement dans l’arrière-boutique. Ici, presque tout se paye par carte bancaire, même un simple café. Dernière formalité, la recherche d’un kiosko (sorte de petite épicerie qui vend de tout) pour carte téléphone (Claro) ou cartes de transport (SUBE). Mais quelle ponctualité, le taxi Cabify (tout aussi efficace que les Uber mais ici illégal) est là. 35 km d’autoroutes urbaines, direction San Telmo. Enfin Buenos Aires !
Soirs tranquilles Plaza Dorrego à San Telmo
Qui n’a pas rêver de Buenos Aires ? C’est la plus lointaine, la plus australe, la plus romanesque, la plus mythique des villes d’Amérique du Sud. Elle est époustouflante ! Je n’ai fait que l’effleurer mais elle me manque déjà. Les argentins de Buenos Aires, les Porteños (ceux du port) comme ils se nomment, sont en général buena onda (de bonne humeur). On dit d’eux qu’ils sont des italiens qui parlent espagnol, qui se prennent pour des anglais et qui rêvent d’être français. Ils adorent vivre la nuit. On dîne tard après 22 h et on s’attarde souvent jusqu’à l’aube (sieste indispensable !). J’ai le souvenir de ces soirées Plaza Dorrego (quartier de San Telmo), dans la douceur des nuits de novembre (printemps austral) : derniers couples enlacés sur des tangos* qui commencent à se déliter. Sur la table, malbec de Mendoza, torrontés de Salta et assortiment d’empanadas. Autre soir, autres vins accompagnés d’un morceau de reggianito (sorte de parmesan) dégoté l’après-midi juste à côté dans le must de San Telmo, son marché couvert. Quelques bouteilles venues de l’extrême, de la Patagonie, de la bodega Del Fin del Mundo (province de Neuquén). A croire que cet immense pays s’étend jusqu’au bout du monde !!! Finesse, légèreté rien que pour damer le pion à l’incroyable opulence des vins de Mendoza. Et pourquoi ne pas finir la soirée en douceur. Si le glacier (heladeria) du coin de la place est encore ouvert, alors, ce sera pour moi un cucurucho à 3 boules mais opération périlleuse avec un bon 10 cm au-dessus du cornet (le choix des parfums est monstrueux et la glace se vend au kg !). Demain le ciel sera encore plus bleu et la ville encore plus accueillante. Pas d’inquiétude, notre Airbnb est à deux pas, calle Humberto 1er.

* Le dimanche après-midi, la place se transforme en milonga en plein air, où experts et amateurs s’unissent pour danser le tango à même les pavés. Question boissons, il n’y a pas que le vin, la ville regorge de bars à cocktails. Quant à la boisson nationale, le maté, au goût de thé vert et à arrière-gout de tabac, non décidément ce n’est pas ma tasse de thé !



C’était avant la covid et avant la disparition de Diego Maradona
Buenos Aires ne s’appréhende que par un choc : cocktail détonant de lumière, de bruits, d’odeurs, de couleurs, de danse, de musique. Une ville enivrée dans les effluves d’une folie communicative. Oublier quelques instants les contraintes d’un pays à la dérive, les plaies d’une dictature mal refermées ; la cohorte des disparus, la plainte des Mères de la Place de Mai* et puis l’affront des Malouines… Mon expérience de Buenos Aires, c’est fin 2019 et c’était avant ; avant un énième défaut de paiement illustrant une crise économique endémique et mortifère (le pays est en récession depuis 2018) ; quelques jours avant la nomination d’un nouveau gouvernement après des élections gagnées par Alberto Fernández. Et surtout avant l’éteignoir de cette pandémie qui a mis la ville KO. Mais depuis, une véritable légende s’est éteinte et l’Argentine est inconsolable.
*Les Mères de la Plaza de Mayo, un groupe de mères et de grands-mères qui prirent l’habitude de se rassembler sur cette place à partir de 1977 pour savoir ce qu’étaient devenus leurs enfants et petits-enfants disparus pendant la sale guerre de 1976 et de 1983.
L’Argentine inconsolable. En novembre 2020, disparaissait, l’enfant du pays, l’un des plus grands joueurs de football du monde, Diego Maradonna. Le peuple argentin et son président, Alberto Fernandez lui ont rendu hommage. Funérailles nationales. 3 jours de deuil national. Sa dépouille fut exposée à la Casa Rosada, siège de la présidence à Buenos Aires. L’ancien et légendaire numéro dix est enterré non à Recoleta (voir plus bas) mais dans le cimetière privé du Jardin Bella Vista, à environ 40 km de la capitale (là où reposent ses parents). C’est un génie, c’est le peuple, c’est nous, c’est la vie et l’amour : Andrés Quintero, 42 ans restaurateur à Buenos Aires (AFP).
Se perdre dans Buenos Aires
En marchant dans les rues, nez au vent, première impression, celle d’un Paris un peu suranné (Buenos Aires n’est-elle pas surnommée le Paris du Sud, voyez Recoleta). Serait-elle aussi mâtinée d’Italie, d’Espagne, bref d’Europe, tout le charme de cette immense métropole très cosmopolite à l’extrême sud d’une Amérique qui se veut si peu « américaine ». Mais quel spectacle de longer ces grandes avenues bordées de jacarandas en pleine floraison ! Eh oui, à Buenos Aires, on marche, on s’arrête, on discute, on prend un café, une bière, une glace. Les Porteños sont d’une incroyable disponibilité. Se perdre dans les dédales du très cool et branché Palermo à la recherche d’une rue près de Plaza Italia, c’est un attroupement qui viendra vous aider. Il faut dire que le quartier grouille d’ambassades, de bars, de restaurants, de rooftops jusqu’à une mosquée, offerte par le Roi Fahd à l’Argentine. C’est aussi, une concentration de musées (Musée des Arts Déco, Musée Sivori, Musée Evita). Pour beaucoup, la destination première de Palermo, sont les Bosques de Palermo (Jardín Bótanico, Jardín Japones, La Rural), véritable poumon vert de la ville. Et que dire de Rosedal, extraordinaire jardin qui abrite près de 20 000 roses de mille espèces. Mais de quel Palermo parle-t-on ?
Palermo Viejo, Palermo Hollywood ou Palermo Soho ?
Palermo Viejo si bien décrit par l’écrivain Jorge Luis Borges est aujourd’hui le quartier le plus créatif et le plus vaste de Buenos Aires. Il est aussi le plus étonnant. Sait-on que Palermo en 30 ans s’est entièrement réinventé. Des designers, des créateurs de tendances et de modes, des artistes, des architectes l’ont transformé. Ils en ont fait un top quartier en le redessinant et en le redistribuant en zones baptisées de noms qui ne figurent pas (ou pas encore) sur le cadastre. Ainsi, divisés par l’Avenida Juan B. Justo (là où passe la voie de chemin de fer de San Martin), d’un côté au nord, un peu excentré, se trouve Palermo Hollywood avec ses nombreuses sociétés de production, de chaînes de télévision, d’entreprises hightech ; et au sud, au cœur du quartier historique, Palermo Soho. Il se concentre autour de Plaza Julio Cortázar (anciennement Serrano), place circulaire à l’intersection des rues Serrano et Honduras. Palermo Soho est à la mode. C’est tout à la fois, le quartier des créateurs, du design, des media mais aussi celui de la vie nocturne, des discothèques, des bars, des restaurants gastronomiques… Alors, à chacun de choisir son Palermo !

San Telmo, populaire, touristique, culinaire et surtout central
Retour à notre quartier d’adoption, San Telmo, le plus ancien quartier de Buenos Aires avec ses rues pavées, son architecture coloniale, ses places ombragées et sa feria du marché de San Telmo (tous les dimanches), sorte de marché aux puces avec antiquités, brocante, produits artisanaux, fringues… Une ambiance digne de Montmartre, de Shoreditch (Londres) ou encore de Greenwich Village à New-York.
Moment important, le petit-déjeuner ! De Casa Santelmo ( notre Airbnb à la porte spectaculaire), 3 minutes suffisent pour rejoindre Mercado San Telmo. C’est le plus vieux marché de Buenos Aires avec ses verrières, ses poutrelles métalliques et sa profusion de fers forgés (style Baltard). Coffee Town y occupe un petit stand de café tenu par des baristas de talent. Ils servent le meilleur expresso de la ville. Réveil garanti ! Ensuite, se laisser tenter par les croissants et le pain français de la boulangerie Merci. Mais, prenez plutôt place dans une panaderia (boulangerie)* qui confectionne ses propres facturas (viennoiseries). Ah ces medialunas (mini croissants) avec dulce de leche (confiture de lait) ou dulce de membrillo (confiture de coing). Seule contrainte, la marche pour éliminer !


Végétariens s’abstenir !
Calle Defensa qui longe Plaza Dorrego résume bien tous les poncifs d’un quartier populaire qui mute vers la boboïsation. Ce qui était le cœur culinaire de San Telmo avec ses restaurants traditionnels parrillas (grillade et barbecue) est devenue une rue chic (au grand bonheur des végétariens !) avec antiquaires, galeries de peinture, épiceries fines, bars à vin, restaurants cotés. Mais pour les inconditionnels du bife de chorizo (contre-filet), bife ancho (entrecôte), bife Angosto ou ojo de bife (faux filet) servi avec la traditionnelle ensalada mixta (laitue, oignons et tomates assaisonnées à l’huile d’olive et vinaigre balsamique) ou frites (papas fritas), il reste dans le quartier une poignée d’irréductibles comme La Brigada, Gran Parrilla del Plata ou El Desnivel. Au fait pour la cuisson si c’est saignant ou bleue, précisez jugosa ! Sans doute faut-il rappeller que les Argentins sont les plus grands consommateurs de viande au monde.


De San Telmo, Buenos Aires se découvre à pied
San Telmo a aussi l’énorme avantage d’être très central. De Plaza Dorrego, tout semble accessible à pied. En 20 minutes, par Defensa on arrive directement Plaza de Mayo marquant la Révolution du 25 mai 1810. Elle est connue pour être le théâtre de toutes les grandes manifestations politiques de l’Argentine. En son centre, la célèbre Pirámide de Mayo élevée en 1811. A ses pieds, souvenir émouvant, des mouchoirs blancs et des châles peints sur le sol en hommage aux Mères de la Plaza de Mayo. Sur la droite, l’énorme bâtisse rose n’est autre que le Palais présidentiel (Casa Rosada), siège du gouvernement où se trouve le célèbre balcon de Perón et d’Evita.


En passant par Puerto Madero
Autre trajet, passer par les quais de Puerto Madero, le long du Rio Darsena Sur avec vue sur le quartier d’affaire et ses incroyables gratte-ciels. Tout à l’est, sur l’autre versant, la Reserva Ecologica Costanera Sur, véritable bulle d’oxygène de la capitale. Elle s’étend sur plus de 350 ha. Enfin, amarrée le long du quai, la frégate Presidente Sarmiento (ancien bâteau-école) transformée aujourd’hui en musée et plus loin, le futuriste Puente de la Mujer, pont tournant de 102 m de long réservé aux piétons.

De Avenida de Mayo à Avenida 9 de julio, la plus large avenue du monde
On est ici au cœur de l’Argentine. Pour vous en convaincre, installez-vous sur l’une des chaises en cuir rouge du café Tortoni, Avenida de Mayo. Commandez un chocolate y churros. Savourez, vous êtes dans le plus ancien café d’Argentine, un café littéraire légendaire fondé par un couple de français en 1858, à l’image de son pendant parisien, Boulevard des Italiens. Toute la société intellectuelle, politique et internationale y a défilé. Dans le bar, la bibliothèque. Vous trouvez également des tables de billards, des jeux de sociétés et au sous-sol une salle de tango et de jazz (juste à côté se trouvent l’Academia National del Tango et le World Tango Museum).
A 300 mètres plus haut, vous tomberez sur la prestigieuse Avenida 9 de Julio, fierté des argentin : 140 m de large, 4 km de long, 14 voies. C’est la plus grande avenue du monde. De Salta au nord-ouest du pays, à Iguazu à l’est, jusqu’en Patagonie, difficile de ne pas tomber sur une rue, une avenue ou une place du 9 de Julio (cette date de 1816 est la proclamation officielle de l’Indépendance de l’Argentine). Avouons-le, c’est une avenue vraiment impressionnante avec son point de repère, l’Obélisque. Elle a été inaugurée le 23 mai 1936 pour le quatrième centenaire de la première fondation de la ville. Elle est haute de 67,50 m. Beaucoup d’argentins la considère comme le symbole de Buenos Aires. Mais le point d’orgue ici n’est autre que le Teatro Colón (l’Opéra) faisant face au Palais de justice (Plaza Lavalle) ; un opéra reconnu dans le monde entier pour son acoustique exceptionnel et son architecture uniques. Un joyau du bel canto né en 1857.





Teatro Colón, Orfeo & Euridice au paradis !
Pour Teatro Colón, comptez 41 minutes (à pied) de Plaza Dorrego (San Telmo). Mais que sont ces 41 minutes pour s’asseoir (en réalité, debout, tout en haut, dernier balcon, derniers billets mais visibilité à 180°) dans l’un des plus beaux et des plus prestigieux opéras du monde. C’est l’une des scènes majeures de l’art lyrique, un lieu sacré, une consécration pour les artistes qui sont passés ou ont travaillé au Colón : Toscanini, Stravinsky, Strauss, la Callas, Régine Crespin, Bartoli, Caruso, Domingo, Pavarotti, mais aussi Karajan, Muti, Barenboim, Noureev, Béjart, Bocca ou des stars du tango et du rock argentin. Restauré avec les technologies du XXIe siècle pendant 7 ans, il a rouvert en 2010. Une récente étude place le théâtre Colón en tête des 23 salles d’opéra étudiées en Europe, en Amérique et au Japon pour son acoustique unique au monde. Alors pour les mélomanes, se déplacer du bout du monde pour venir assister à un opéra au Colón, c’est accomplir un pèlerinage dans la Mecque de l’art lyrique.

Un Orphée & Eurydice minimaliste et épuré
Ce soir-là, la chance a voulu que nous soyons les derniers détenteurs d’un précieux billet pour Orfeo & Euridice (Orphée et Eurydice) de Christoph Willibald Gluck sur le livret de Raniero de Calzabigi, opéra en 3 actes créé en 1762. En fait, ce fut une version moderne et audacieuse (pas de lyre, ni de couronne de laurier, ni même de colonnades grecques) pour cet Orphée & Eurydice à laquelle nous assitions. Elle fut minimaliste et épurée, volonté du chorégraphe (et metteur en scène) Carlos Trunsky dans l’esprit de Gluck, lui qui voulait se débarrasser du luxe de l’époque baroque pour se concentrer sur l’émotionnel : une plate-forme tournante avec des escaliers qui ne mènent nulle part, un décor austère et la surprenante évolution de danseurs nus au deuxième acte. Distribution : contre-ténor, le canadien Daniel Taylor dans le rôle d’Orfeo, les sopranos Marisú Pavón et Ellen McAteer dans ceux d’Eurídice et d’Amour sous la direction du chef invité, l’espagnol Manuel Coves. Salle comble, enthousiasme d’un public transporté. En évoquant ce Teatro Colón, Luciano Pavarotti eut cette réponse : cette salle est parfaite ! Terrible car si vous faites une erreur le public s’en rend compte tout de suite.



Recoleta, le chic et le macabre
Recoleta n’est finalement pas si loin de Plaza Dorrego, à peine 5 km (prévoir une bonne heure de marche en empruntant Defensa et l’Av Pres. Manuel Quintana). Recoleta n’a pas l’aura cool et jeune du Palermo Soho ou Palermo Hollywood. On y trouve pourtant un foisonnement de musées, de galeries d’art, de boutiques chics et de nombreux espace verts, et puis. Il y a bien sûr l’église Del Pilar, le Palais de Glace, la faculté de droit… Par bien des côtés, on se croirait à Paris, un peu d’Haussmann, un peu d’Art nouveau. D’ailleurs la place centrale n’est autre que Plaza Francia avec ses cafés et ses restaurants. Promenez-vous avenue Alvear, c’est le Buenos Aires élégant et aristocratique où domine le style français avec ses véritables palais construits entre 1880 et 1920 quand le pays a connu une véritable prospérité et les classes supérieures avaient élu Paris comme étant leur ville préférée.
Alors allons-y, allons dans le franco-français, à 300 m de Plaza Francia en entrant dans une des institutions de la ville, le restaurant de l’Hôtel Club Francés. Somptueux manoir qui vit passer Georges Clemenceau, Jean Mermoz, Antoine de Saint-Exupéry, André Malraux ou des visiteurs étrangers comme le prince de Galles, futur roi Édouard VIII. Environnement feutré, décor d’acajou, fauteuils et canapés en cuir, tableaux de maître aux murs : luxe et volupté pour un déjeuner sous les lumières tamisées de l’orangerie.



Cementario de Recoleta, sans doute le cimetière le plus connu au monde avec sa star, Evita Peron
Recoleta est surtout un quartier connu pour son célèbre cimetière (Cementario de Recoleta) où reposent dans une débauche extravagante de mini palais et de mausolées de marbre couronnés de coupoles et de statue tous ceux qui ont marqué l’histoire de la société argentine. C’est une véritable ville avec ses avenues et ses ruelles qui s’étend sur 5,5 ha. On recense plus de 6 400 mausolées et tombeaux dont 94 sont classés Monuments historiques. Ils abritent, honneur à la plus connue Eva Perón (Evita). Elle repose 24 ans après son décès dans le mausolée le plus visité et plus fleuri. Ses voisins sont des présidents, des généraux, des amiraux et la plupart des personnalités publiques ainsi que de riches estancieros. Faut-il y aller ? Se perdre dans la foule des visiteurs et des ouvriers, arpenter ce qui paraît être comme un labyrinthe, essayer de déchiffrer une inscription, apercevoir à travers vitres et portes grillagées, ces cercueils qui ont résisté au temps ; les fleurs fanées, un arrosoir oublié, des photos jaunies, l’éclat coloré d’un vitrail venant jouer sur la tristesse de ces lieux. Tout cela serait-il censé être beau ? A vous d’en juger ?


Quand Buenos Aires nous amène jusqu’au bout du monde
Echappons à la pesanteur et à l’étroitesse. De Buenos Aires, tout est « immensément » vaste. Le Rio de la Plata, aperçu du hublot à la descente de l’avion, a la dimension d’une mer séparant Argentine de Uruguay. A l’ouest, Buenos Aires, à l’est Montevideo. Un fleuve disent modestement les argentins mais de 220 km d’une rive à l’autre, le plus large du monde !


De Puerto Iguazu à la Patagonie
De Buenos Aires, le rêve et l’aventure sont à portée des bus et des avions. Dans quelques jours de l’aéroport el Palomar à 18 km à l’ouest de Buenos Aires, un vol low cost Flybondi nous emmènera jusqu’à Puerto Iguazu, cette pointe au nord-est du pays que se partage Argentine, Brésil et Paraguay. A eux trois, ils gèrent le plus impressionnant spectacle que la terre ait porté : les chutes d’Igazu. D’un autre aéroport mais en pleine ville (Aeroparque Jorge Newbery) longeant le Rio de la Plata, il faut 3 heures sur Aerolinas Argentinas pour rejoindre El Calafate (près de 3000 km), au sud de la Patagonie. C’est le dernier refuge des chevaux sauvages. C’est aussi l’entrée du parc national Los Glaciares avec son incontournable Perito Moreno. Un immense glacier qui malgré le réchauffement climatique, continue d’avancer à raison de 2 m par jour. La preuve, vous la constatez et surtout vous l’entendez. Un incroyable fracas de fin du monde, plusieurs fois par jour. Des pans entiers du glacier s’effondrent dans les eaux du lac Argentino (le plus grand et le plus austral des grands lacs de la Patagonie argentine).



El Chalten au pied du mythique Mont Fitz Roy : pluie, vent, inondations, mais quel spectacle !
D’El Calafate, que diriez-vous de pousser une pointe de 220 km, plus au sud jusqu’à El Chalten : traverser des plaines sans fin, une steppe aride, longer les deux plus grands lacs du pays aux eaux d’un bleu irréel (Lago Argentino et Lago Viedma), suivre la mythique route 40 (qui relie la Bolivie à la Terre de Feu) avant de bifurquer vers El Chalten. Au bout (en 3 h, à peine 10 véhicules), on se heurte brusquement aux parois verticales de granit de la cordillère des Andes. Devant nous, le célèbre, le mythique Mont Fitz Roy (appelé aussi El Chalten) haut de 3405 m, l’un des pics les plus difficile à escalader de la planète. A ses côtés, les aiguilles Saint Exupéry, Guillaumet, Mermoz…). Voici El Chalten, la capitale argentine du trekking, au sein du parc national Los Glaciares. On est à portée du Chili (province d’Ultima Esperanza). Pluie, vent inondations nous attendent mais quel spectacle !



De Buenos Aires à Mendoza, 17 heures de bus pour rejoindre le coeur viticole de l’Argentine
Dernier trip, cette fois ci en bus de nuit. De la gare routière de Retiro, 1200 km pour traverser la pampa jusqu’à Mendoza, au pied de la Cordillère des Andes. Là, bat le cœur viticole de l’Argentine. Mendoza assure près de 80 % de la production argentine de vin (à 70 % rouge à partir essentiellement du malbec). Le pays possède le 7e vignoble du monde. Il est en 2020, le 5e producteur mondial de vin. Rendez-vous a été pris : Cheval des Andes à Las Compuertas (Lujan de Cuyo banlieue de Mendoza) du groupe de luxe français LVMH ; Domaine Bousquet à Tupungato, leader argentin des vins bio et Flechas de Los Andes, Valle de Uco, une impressionnante bodega née de l’association entre le Baron Benjamin de Rothschild (Edmond de Rothschild Heritage) et Laurent Dassault.



Il ne restait plus qu’à traverser les Andes pour rejoindre Santiago de Chile, une capitale alors en proie aux manifestations et à la violence policière.
Dernière publication de l’auteur de cet article
Cépages & Vins
Editions Dunod (sortie août 2020)

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Pour aller plus loin sur Mendoza :