Rungis, le plus grand marché de produits frais au monde. Tout ici est XXL


Rungis est l’héritier des Halles (construites par Baltard au XIXe siècle), lieu mythique au cœur de la capitale, qu’on qualifiait de « ventre de Paris » ? Oui mais ici à Rungis, au sud de Paris, c’est le ventre de l’Europe. Tout est XXL : de l’impressionnant pavillon des produits de la marée, les pavillons de la viande, des produits laitiers de gastronomie, des fruits et légumes* et de l’horticulture et décoration. Ce MIN (Marché d’Intérêt National) n’a d’ailleurs pas d’équivalent. Il s’agit du plus gros marché de frais au monde. Tout ici regorgent de produits frais arrivés par avion, train ou camion ; des produits qui viennent des quatre coins de la France et d’autres pays du monde, comme les fruits exotiques.
*Avec 9 pavillons, répartis sur 66 hectares, le secteur des fruits et légumes est, de très loin, le plus important.
Bon à savoir : à Rungis, on trouve un choix exceptionnel de fruits, légumes, viandes et fromages… Mais ce marché est réservé aux professionnels. C’est ce qu’on appelle un marché de gros. Seuls les commerçants et restaurateurs viennent y acheter de quoi remplir les rayons de leurs magasins ou les assiettes de leurs clients. Ceux qui vendent les produits s’appellent les grossistes.

Rendez-vous à 4 h du matin place Denfert-Rochereau
Il est 4 h, Paris s’éveille à peine. Rendez-vous place Denfert à Paris. En ce début décembre, la température frise la gelée. Le minibus tarde. Les derniers fêtards quittent la boite de nuit accolée à la gare. Rungis n’est qu’à 7 km de Paris. On doit rencontrer notre guide Francis, devant la tour de la Semmaris (entreprise gestionnaire du Marché de Rungis). S’est joint aux journalistes de la presse étrangère à Paris, une délégation des Disciples Escoffier International. Impressionnante, cette association présente dans plus de 35 pays ! Elle a intronisé plus de 30 000 disciples dans le monde ; chacun devenant ambassadeur de l’héritage culinaire du grand Auguste Escoffier (à l’origine de la gastronomie moderne). Son président, Nicolas Sale, ex-chef du Ritz Paris nous accompagne. On est maintenant au complet, tous équipé de charlotte, blouse et masque, prêt à arpenter quelques uns des 23 pavillons du marché.

Une ville entière dédiée aux plaisirs de la bouche
Sans Francis, impossible de s’y retrouver. Il est ici chez lui comme un poisson dans l’eau. Il connaît tout, tutoie tout le monde. Car Rungis est une véritable ville. Elle couvre près de 250 ha. 12 000 personnes y travaillent. 1200 sociétés y sont accréditées. On y trouve un poste de police, un bureau de poste, une caserne de pompiers ou encore une gare pour les trains de marchandises sans parler des restaurants, agences de voyages, banques, pharmacie, pressing, salon de coiffure… Il y a même une école : elle forme les jeunes au métier de poissonnier. Mais une nouvelle école vient de voir le jour. Après neuf mois de travaux, la nouvelle école des arts culinaire Lenôtre a ouvert ses portes à Rungis. L’école rejoint ainsi la Rungis Académie, hub de formations des métiers de bouche, pensé comme la Silicon Valley de la formation professionnelle du Marché International de Rungis.
Premier arrêt : le pavillon des produits de la marée (secteur produits de la mer et d’eau douce)
De toute évidence, on a pris du retard. Notre consœur chinoise s’est perdue dans le labyrinthe des rues et des pavillons. Le marché de Rungis s’éveille à 2 heures du matin avec le poisson et enchaîne, les heures suivantes, avec les produits carnés, les fruits et légumes, les fleurs etc. Dommage !
Le secteur de la marée de Rungis est l’un des plus importants ports de France en termes de volume. Son vaisseau amiral, le bâtiment A4, une véritable cathédrale, est une référence mondiale tant pour ses infrastructures que pour la qualité et la diversité de ses produits. Ici, on décharge « sous froid » pour que la glace ne fonde pas avant l’entrée dans la zone de vente. Il existe un systèmes de refroidissement et de traitement de l’air jumelés : le froid est « stratifié » du sol jusqu’à 5m de hauteur. Un pavillon aussi étonnant pour ses matériaux innovants : résine spéciale au sol et murs laqués pour faciliter le nettoyage quotidien, etc.

Montée en gamme et produits phares
A lui seul, il réalise près de 900 000 K€ de chiffre d’affaire grâce aux 42 entreprises présentes et fait travailler plus de 800 personnes. La montée en gamme se confirme, avec un marché tiré par plusieurs produits phares : le bar sauvage de ligne, la crevette bio de Madagascar et la coquille Saint-Jacques de France (plus difficile aujourd’hui avec les restrictions anglaises). Dans les ateliers de filetage, les filets sont retirés, préparés et calibrés. Certains chefs demandent des grammages spéciaux. Ainsi, on leur livre la marchandise ou ils partent avec des produits prêts à être cuisinés.




Deuxième arrêt : les pavillons des produits carnés
Dans le secteur des produits carnés, toutes les espèces sont représentées : viandes de boucherie (bœuf, veau, agneau), porc, volaille et gibier, triperie…Et pour nous, c’est un peu le choc. Voir en entrant autant de carcasses de bœuf si tôt le matin donne un léger haut-le-cœur ! En fait, notre progression au milieu des chevillards se fera progressivement. D’abord le pavillon viandes de boucherie puis, les 2 pavillons viandes de porc, le pavillon volailles et gibiers et enfin, le pavillon triperie (Un “must” avec sa vedette !).

Le pavillon des viandes
Il commercialise des viandes de boucherie, des carcasses et demi-carcasses, et des muscles sous-vide. La plus large gamme de bœuf, veau, et d’agneau est proposée à tout moment de l’année avec une sélection quotidienne de viandes de haute qualité, les meilleures origines de viandes et de races prestigieuses.
La découpe porcine est une des grandes spécialités de Rungis. Plus de 20 000 jambons partent chaque semaine pour devenir des salaisons : saucissons, jambons cuits et crus. Une cotation quotidienne permet aux professionnels de connaître tous les prix au jour le jour.
Le pavillon de la volaille et du gibier
On y trouve tous les produits fermiers haut de gamme comme la volaille de Bresse ou le foie gras. Les dernières innovations de la filière sont également présentes, découpe nouvelle, transformation, nuggets et même des produits complémentaires comme les sauces.



Le pavillon de la triperie
La triperie est une particularité de la gastronomie française. À Rungis, les grossistes occupent un pavillon dont les normes sanitaires européennes sont respectées dans les moindres détails. Le pavillon regroupe 10 grossistes dont les magasins sont indépendants les uns des autres.
L’art et la manière de découper la tête de veau (chère à Jacques Chirac)




Troisième arrêt : marché des produits laitiers et gastronomie
En star toutes catégories, dans ce marché de Rungis, les fromages ! Et la France est sans conteste le pays des fromages avec 45 AOC et plus de 300 fromages différents. On connaît tous la formule de Charles de Gaulle. Ajoutez y les fromages du monde et vous avez à Rungis le plus pantagruélique plateau de fromages qu’on ait pu composer. (A côté des deux pavillons consacrés aux produits laitiers, un troisième s’est spécialisé dans le bio).


On retrouve, outre du beurre, des pâtes molles, pâtes dures, pâtes persillées, des fromages de chèvre, des pâtes pressées non cuites et cuites, ou des fromages frais et fromages blancs. Mais quel plaisir de circuler au milieu des meules, des tommes et des fromages en tous genres alignés les uns derrière les autres sur des dizaines de mètres. Des fromages d’appellation d’origine comprenant tous les niveaux d’affinage qui s’adaptent à l’ensemble des usages culinaires. Une soixantaine de grossistes et une cinquantaine de courtiers et sociétés de trading sont présents à Rungis. Ils charrient entre 65 000 et 70 000 tonnes de produits laitiers et d’œufs chaque année.


Saône-et-Loire), 14 000 emplois directs et indirects et un cahier des charges des plus exigeants en Europe (Photo FC)

Cinquième arrêt, l’énorme secteur fruits et légumes
C’est sans doute le plus coloré, le plus achalandé et le plus gouteux des secteurs. A chaque étale, le besoin (refreiné) de toucher, de sentir, d’imaginer… Sur le Marché de Rungis, toutes les sortes de fruits et de légumes sont présentes. Produits de l’Ile-de-France ou de l’autre bout du monde, fruits et légumes oubliés ou miniatures…, la présentation sur les étalages met en valeur la fraîcheur et l’aspect des produits sélectionnés. Plus d’un million de tonnes est commercialisé* chaque année dans ce secteur. C’est la place incontournable où sont introduites et testées les nouvelles variétés de fruits et légumes en provenance du monde entier. Kiwi, mini légumes ou encore fleurs comestibles ont ainsi commencé leur carrière française dans les travées de Rungis.
*Le secteur des fruits et légumes comprend 9 pavillons + le Carreau regroupant l’ensemble des producteurs d’Ile-de-France sous un même bâtiment.
Le chiffre d’affaire réalisé par ce secteur est de 4 299 467 K€ réalisé par 342 entreprises employant près de 4000 personnes.







Bouquet final, le sixième et dernier arrêt, le secteur horticulture et décoration
Le Marché de Rungis offre un choix exceptionnel de fleurs coupées (un bâtiment climatisé), de plantes en pot, d’accessoires, de produits de décoration, d’emballages et d’art de la table. Le secteur comprend :1 pavillon climatisé pour les fleurs coupées et feuillages (22 000 m²). 3 bâtiments chauffés pour les plantes en pot et 2 grandes serres. 5 bâtiments mixtes en plantes et accessoires
Son chiffre d’affaire est évalué à 198 524 K€ réalisé par une centaine d’entreprises employant 450 personnes.


Il est 10 heures, petit déjeuner avec Stéphane Layani, le grand patron : café croissant, fromages et filet de boeuf
Il est 10 h. Déjà Rungis a commencé son grand nettoyage. Et nous, après avoir circulé au milieu des pépites de la grande gastronomie, sommes accueillis pour un petit déjeuner plutôt inattendu. Non à la manière des Halles de Paris (légendaire soupe à l’oignon), mais à celle de Rungis : café croissant, jambon, fromages, filet de bœuf et plus si affinité ! Deux séries de tables en parallèle, l’une pour les journalistes, l’autre pour la délégation des Disciples d’Escoffier International venus du monde entier. Face à nous, le grand patron des lieux : Stéphane Layani, président de la Semmaris, la société gestionnaire du marché international de Rungis. Il est jovial, le sourire chaleureux, une personnalité à l’évidence très charismatique. Discours de bienvenue, l’avenir serein de Rungis malgré la pandémie (extension d’un Rungis bis dans l’est du Val-d’Oise près de Roissy). Mais c’est aussi l’homme qui défend le modèle vertueux des marchés de gros. A ses côtés, Christine Ranunkel, présidente d’honneur de l’APE (Association de la Presse Etrangère à Paris) et Nicolas Sale (multi étoilé), ex-chef cuisinier exécutif du Ritz à Paris et devenu le 5e président international des Disciples Escoffier. Entre Stéphane Layani et Nicolas Sale, pas de doute, ils sont de connivence. Alors verra-t-on bientôt le grand restaurant gastronomique que Rungis attend ? Avec un chef comme Nicolas Sale, les étoiles devraient pleuvoir !



Du marché de Rungis au marché de la rue Daguerre (en 30 minutes)
Retour sur Paris, place Denfert-Rochereau. Pour gagner la rue d’Alésia, passage obligé par la rue Daguerre, chère à Agnès Varda et marché le plus réputé du quartier Montparnasse. Presque tous s’approvisionnent à Rungis. Le célèbre poissonnier Daguerre Marée, sourire en coin me le confirme. On y était ce matin. Pour une photo, dommage, il vient de partir. Vous savez, c’est un matinal !




Le Marché de Rungis en quelques chiffres
- Deuxième pôle économique d’Ile de France après le Centre d’Affaire de la Défense
- Un chiffre d’affaires de près de 8,5 milliards d’€
- 2 ,4 millions de tonnes de produits alimentaires à l’arrivage.
- 18 millions de consommateurs desservis dont 11millions en Ile de France.
- Plus de 1200 entreprises implantées.