Giacometti en son musée de Montparnasse à Paris (les années surréalistes)

L’atelier mythique d’Alberto Giacometti, dans l’intimité de l’artiste

Institut Giacometti, l’atelier d’Alberto Giacometti. On pénètre dans l’univers de création de l’artiste. L’atelier réunit plus d’une soixantaine d’œuvres originales. Il remet en scène l’ensemble du mobilier et ses murs peints par Alberto Giacometti (Photo FC)
Alberto Giacometti dans son atelier du 46, rue Hippolyte Maindron à Paris, 14e arrondissement (Fondation Giacometti)
Alberto Giacometti (1901-1966) vécut et travailla ici, au 46, rue Hippolyte Maindron, près de la rue d’Alésia, de 1926 à sa mort en 1966 (Photo FC)

C’est un petit musée à Montparnasse situé entre Denfert-Rochereau et le cimetière Montparnasse, un musée petit par la taille mais qui accueille l’un des plus grands sculpteurs du XXe siècle, Alberto Giacometti. Tout ici, à l’institut Giacometti, dans cet immeuble art déco, rue Victor Schoelcher*voisin de la maison de Simone de Beauvoir (de 1955 à 1986), semble avoir été pensé à l’échelle humaine. Voyez la cheminée et ses 2 banquettes en encoignure, la grande bibliothèque blanche à double étage et au rez-de-chaussée, le mythique atelier de Giacometti. Sa veuve, Annette Giacometti en avait conservé les éléments. Parmi ceux-ci, des œuvres en plâtre et terre très fragiles dont certaines jamais exposées. On y voit aussi son mobilier, et les mûrs qu’il avait peint. Ils n’eurent à migrer que de quelques rues du XIVe arrondissement puisque venant du 46, rue Hippolyte Maindron, près de la rue d’Alésia. C’était là qu’il avait emménagé en décembre 1926, dans ce qu’il appela sa caverne-atelier qu’il ne quitta plus malgré l’inconfort des lieux et la petite taille. Et c’est donc là qu’il va réaliser en 1947, la première version de l’Homme qui marche. Par la suite, il déclinera ce thème en plusieurs œuvres de petit format. Entre 1959-1961, il réalise 3 autres modèles grandeur nature, à l’occasion d’une commande (non aboutie) pour la Chase Manhattan Plaza à New York. Elles deviendront les icônes de son œuvre. En janvier1966, Alberto Giacometti s’éteignait à l’hôpital de Coire, en Suisse, loin de son atelier de Montparnasse.

*Journaliste et homme politique qui fut le principal acteur de l’abolition de l’esclavage en 1848.

L’homme qui marche, chef-d’œuvre absolu dans l’histoire de l’art du XXe siècle qui rendit célèbre Giacometti . Cette statue en bronze exposée ici à l’Institut Giacometti, rue Victor Schoelcher à Paris a été réalisée en 1960. Elle fait 108 cm de haut et a été reproduite en dix exemplaires (Photo DR)

Institut Giacometti, 5, rue Victor Schoelcher 75014 Paris, est le lieu de la Fondation Giacometti. C’est à la fois un espace d’exposition, un lieu de référence pour l’œuvre de Giacometti et un centre de recherche en histoire de l’art dédié aux pratiques artistiques modernes (1900-1970). Il est présidé par Catherine Grenier (directrice de la fondation Giacometti) et par Christian Alandete qui assure la direction artistique (Photo FC)

Deux expositions Giacometti à Paris :

  • Alberto Giacometti, André Breton. Amitiés surréalistes jusqu’à fin avril 2022 (Fondation Giacometti-Institut)
  • Rol-Tanguy par Giacometti jusqu’à fin janvier 2022 (Musée de la Libération de Paris)

Alberto Giacometti et ses amitiés surréalistes

Ce que présente magistralement cette exposition est l’amitié intense qui anima André Breton et Alberto Giacometti. Et comme toute amitié intense, elle ne dura que très peu de temps, de 1933 à 1934. Mais pendant 5 ans (1930-1935), Giacometti fut membre à part entière du groupe surréaliste. Son génie impressionne. Ses recherches sculpturales et graphiques autour de l’érotisme, du jeu et de l’onirisme, son inventivité plastique, le distinguent comme l’un des artistes les plus innovants du mouvement. II noue alors des liens très étroits avec ses camarades artistes, écrivains et poètes, hommes et femmes ; des liens qu’il conservera pour la plupart bien après avoir pris ses distances avec le surréalisme. Si l’exposition se focalise sur André Breton, Giacometti sera aussi l’ami de Louis Aragon, Hans Arp, Victor Brauner, Claude Cahun, Leonora Carrington, René Crevel, Salvador Dali, Lise Deharme, Paul Éluard, Max Ernst, Georges Hugnet, Jacqueline Lamba, André Masson, Joan Miro, Meret Oppenheim, Pablo Picasso, Tristan Tzara.

Alberto Giacometti, Jacqueline Lamba, André Breton,
Nusch et Paul Éluard d’après une photo de Man Ray (Photo FC)

L’ami André Breton

Chef d’œuvre surréaliste d’Alberto Giacometti : l’Objet invisible, 1934-1935. Plâtre 153 X 32 X 29 cm. C’est ce même chef d’œuvre qui entraînera le retour de Giacometti au réalisme et l’abandon du surréalisme (Photo FC)

Autopsie d’un chef d’œuvre : l’Objet invisible (1934-1935)

Une inspiration venue lors d’une visite au marché aux puces. De plus en plus proches, Giacometti et Breton partagent à cette époque les mêmes interrogations sur l’amour et la femme aimée. Lors d’une promenade au printemps 1934 au marché aux puces, l’artiste et l’écrivain font une trouvaille, un demi-masque en tôle qui inspire Giacometti pour la réalisation de sa sculpture : L’Objet invisible. Cet objet hors du commun, merveilleux à leurs yeux, aurait aidé le sculpteur à vaincre son indécision et lui aurait inspiré la forme à donner à la tête de sa sculpture. Breton consacre à l’épisode le texte « L’équation de l’objet trouvé », attribuant cette trouvaille à l’intervention du « hasard objectif ».

Victor Brauner : portrait d’André Breton,1934 Huile sur toile – 61 X 50 cm
Musée d’Art Moderne, Paris (Photo FC)

Mains tenant le vide (maintenant le vide). L’Objet invisible représente une femme semi-assise sur une sorte de trône, tenant entre ses mains un objet invisible. Son visage est travaillé comme un polyèdre aux yeux hypnotiques. Giacometti lui donne aussi le titre de « Mains tenant le vide », jeu de mots avec « Maintenant le vide » et elle sera reproduite dans L’Amour fou d’André Breton en 1937. Considéré comme une œuvre significative dans la production de l’artiste, L’Objet invisible entraîne pourtant le retour de Giacometti au réalisme et l’abandon du surréalisme. II déclare d’ailleurs dans une interview : Cette statue que Breton préférait a tout bouleversé à nouveau dans ma vie. J’étais satisfait des mains et de la tête de cette sculpture parce qu’elles correspondaient exactement à mon idée. Mais les jambes, le torse et les seins, je n’en étais pas content du tout. Ils me paraissaient trop académiques, conventionnels. Et cela m’a donné envie de travailler à nouveau d’après nature.

Alberto Giacometti et André Breton autour du Cube

Cube, un polyèdre irrégulier à douze faces, œuvre liée à la mort et à la mélancolie. Des liens, fin de l’année 1932, s’intensifient entre Giacometti et André Breton. Ils échangent tant sur leur vie que sur leur art. Lorsque le père de Giacometti décède en juin 1933, il est profondément déprimé. Il adresse à André Breton, depuis la Suisse, des lettres très intimes. Il lui confie ses craintes et angoisses face au futur. C’est cet état d’esprit qui le mène à réaliser Cube, un polyèdre irrégulier à douze faces, œuvre liée à la mort et à la mélancolie. Ce thème du polyèdre revient à plusieurs reprises dans la production de l’artiste sous la forme de dessins ou comme élément de sa sculpture Table (Photo FC).

Serena Bucalo-Mussely : après l’exposition Giacometti sous le signe de Sade (Cruels objets du désir), voici Amitiés surréalistes entre Giacometti et Breton

Serena Bucalo-Mussely, conservatrice à la Fondation Giacometti est l’organisatrice de cette exposition en collaboration avec Constance Krebs de l’Association Atelier André Breton. Derrière Serena, à sa gauche : Tête d’homme de Max Ernst. 1947. C’est une huile sur toile (50,8 X 30,3 cm), cadeau de l’artiste à Alberto Giacometti. Autre surprise, juste au-dessus, L’Oreille de Giacometti de Meret Elisabeth Oppenheim 1933, un bronze de 10 cm. Sur ce mur également, des œuvres d’André Masson, Pablo Picasso, Salvador Dali, Joan Miro… (Photo FC)

“… Fruit de recherches dans les archives personnelles de Giacometti et celles de Breton, cette exposition est une collaboration avec l’Association Atelier André Breton et le Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. L’amitié forte entre Giacometti et Breton y est mise en lumière ainsi que ses relations avec les artistes et intellectuels surréalistes dont il est le plus proche “. Serena Bucalo-Mussely

Qu’auriez-vous répondu à ces questionnaires surréalistes ?

Qu’est-ce que ta tête ? Qu’est-ce qui t’attend ? …

Qu’est-ce que la peur ? Qu’est-ce que le viollet (violet) ?

Calendrier des expositions à la Fondation Giacometti-Institut en 2022.

  • DOUGLAS GORDON, The Morning After (22 avril-12 juin 2022) Commissaire : Christian Alandete. Après Annette Messager, l’Institut Giacometti donne carte blanche à l’artiste contemporain Douglas Gordon. Né en 1966 à Glasgow en Écosse, Douglas Gordon est un artiste pluridisciplinaire travaillant la vidéo, le dessin, la sculpture et l’installation. Son travail sur la distorsion du temps et la tension entre des forces contraires (vie et mort, bien et mal) rejoint les interrogations de Giacometti sur la condition humaine. Douglas Gordon imagine un dialogue entre son travail et celui de Giacometti et réalise pour l’occasion une série d’œuvres originales inédites qui seront présentées en lien avec des sculptures et des dessins d’Alberto Giacometti méconnus ou inédits.
  • GIACOMETTI ET LE PAYSAGE (22 juin-18 septembre 2022). Commissaire : Romain Perrin. Alberto Giacometti est né dans une vallée reculée de la région des Grisons, en Suisse italienne. Ses premières impressions sont celles de la haute montagne et d’une vie en contact étroit avec la nature. Giacometti peint et dessine au fil des années des paysages de montagne et des vues de Stampa, des rocs et reliefs montagneux qui vont le marquer durablement, au point de réapparaître dans la surface accidentée de ses bustes.
  • ALBERTO GIACOMETTI/SOPHIE RIESTELHUEBER (27 septembre-30 novembre 2022). Commissaire : Christian Alandete. Sophie Ristelhueber est invitée à faire dialoguer son travail avec celui de Giacometti. L’artiste transformera l’Institut en maison de famille. Evoquant sa généalogie et celle de Giacometti, elle abordera son travail sous l’angle de l’intime.
Jeune fille tatouée en marche. Comment Alberto Giacometti aurait il pu la transfigurer ? (Photo FC)
Fondation Giacometti-Institut. Au bout de la rue, la Fondation Cartier (Photo FC)

Au cas où vous l’auriez loupée : l’exposition Rol-Tanguy par Giacometti au musée de la Libération de Paris

L’exposition était présentée au musée de la Libération de Paris-musée du général Leclerc-musée Jean Moulin, juste au-dessus des lieux qui abritèrent le poste de commandement régional des FFI à la Libération de Paris, d’où furent envoyés les ordres du “colonel Rol”.

Le passage de l’homme public (Rol-Tanguy) à l’homme “monument”

Alberto Giacometti. Portrait d’Henri Rol-Tanguy 1946 (Photo FC)

Pour la première fois à Paris, une exposition très intimiste réunissait des portraits dessinés et sculptés d’Henri Rol-Tanguy, héros de la Libération de Paris. Ils sont l’œuvre d’Alberto Giacometti juste après la guerre. Ce travail méconnu dévoile une quarantaine de pièces. Elles sont nées de la rencontre entre les deux hommes dans cette période particulière de l’année 1946. C’était un an et demi après la Libération de Paris. On y voit une douzaine de dessins, esquisses préparatoires et 17 sculptures de petit format illustrant la recherche esthétique et conceptuelle d’Alberto Giacometti ; le rapport de l’artiste à la représentation de la tête de son modèle, le passage de l’homme public à l’homme “monument”.

Photo d’Alberto Giacometti dans son atelier avec La Nuit 1946 (Photo FC)
Alberto Giacometti. Tête du colonel Henri Rol-Tanguy sur double socle 1946 (Photo FC)

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