Haute Vallée de l’Orb (Haut-Languedoc) : terre chérie de frère Marie-Pâques, moine cistercien et enfant du pays

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Haute Vallée de l’Orb en Haut-Languedoc, pays de montagnes situées au nord-ouest de l’Hérault (en Cévennes méridionales) et des vallées de la Mare, du Jaur et de l’Orb. A seulement une heure de la Méditerranée, la Montagne Noire, les Monts du Caroux et l’Escandorgue offrent à cette vallée une nature très verte, des sources en abondance et une fraîcheur tant recherchée.

Vignoble situé sur le terroir de Roquebrun-Saint-Chinian (près du hameau le Ceps). Ici, au domaine du Vieux Chai, l’essentiel est constitué de petites parcelles entourées de garrigue où poussent ciste, menthe sauvage, thym, romarin, genévrier… Les 10 ha se répartissent sur des sols argilo-calcaire près de l’Orb (fleuve côtier) et sur des coteaux de schiste au-dessus de la route. Proche de l’eau, une oliveraie d’une cinquantaine d’arbres plus que centenaire et au milieu des vignes, la chapelle bien nommée, Saint-Poncian de Ceps restaurée entre 1990 et 2010 (Photo FC)
Chapelle Saint-Poncian de Ceps du XIVe siècle. Elle domine le vignoble en contre-bas de la route de Roquebrun. Il s’agit de l’ancienne église paroissiale de Ceps (jusqu’en 1681). La première mention dans les textes de l’édifice remonte à 940 (donation de l’évêque de Béziers à l’abbaye de Saint-Pons de Thomières). La chapelle que l’on voit aujourd’hui a été construite entre 1350 et 1450. Elle était tombée dans l’oublie et envahie par la végétation avant d’être restaurée. A l’intérieur, une curiosité : sous le premier sol dans la nef, un fossé où une cloche a été fondue. (Photo FC)

Visiter à l’envie cette vallée de toutes les promesses

Tout est exceptionnel dans cette vallée : terroirs d’altitude, fraîcheur des montagnes, patrimoine remarquable, nature à couper le souffle, vins à étonner les plus grands experts. Sûr que ces terroirs froids de la Haute Vallée de l’Orb produiront demain les grands crus du Languedoc ! Alors pourquoi ne pas suivre les pas de frère Marie-Pâques : se perdre dans une nature encore sauvage, s’émerveiller, visiter à l’envie ces villages, ces chapelles, ces abbayes, ces châteaux, ces sources thermales et puis, rencontrer les vignerons qui ont autant la passion de leur terroir que le plaisir de le faire connaître.

Coup de cœur assuré pour ces paysages variés jalonnés de vallons de terres rouges (les « ruffes »), de forêts et un plateau. On est au pied du massif volcanique de l’Escandorgue, cerné de falaises calcaires. Les 15 ha de vignes du domaine Mas de Doux à Dio-et-Valquières sont orientés au sud, à 310 m d’altitude. (Photos FC)
Lauriers roses, parcelle de vignes et à l’horizon, la ligne bleue du massif volcanique de l’Escandorgue (Domaine du Mas de Doux à Dio-et-Valquières) Photos FC

Frère Marie-Pâques dont la vocation est aussi d’assurer la communication de l’IGP Haute Vallée de l’Orb, crapahute ce jour-là dans les vignes au-dessus de Bédarieux. Moment d’arrêt au milieu de pêchers sauvages, à l’entrée d’une capitelle (abri de pierre sèche). Photo FC

Une nature encore sauvage, un patrimoine d’exception

Sait on que cette haute vallée de l’Orb, entièrement incluse dans le parc régional naturel du Haut Languedoc abrite ce qui, sous climat méditerranéen, est une exception : un vignoble détenant tous les atouts pour résister au changement climatique. Ce terroir de montagne (porte d’entrée des premiers contreforts des Cévennes), suffisamment arrosé (peu de risque de sécheresse), idéalement tempéré (les nuits sont fraîches) n’est éloigné que de soixante-quinze kilomètres de Montpellier et de la mer Méditerranée. Pas de doute, un tel méso climat aurait partout dans le monde de quoi faire bien des envieux ! Ajoutez une nature encore sauvage, des lacs (Lac de Salagou, lac d’Avène), des cours d’eau en abondance, des sources thermales (Avène, Lamalou-les-Bains) et un patrimoine exceptionnel : chapelles, prieurés, lieux de dévotion (Notre-Dame de Capimont à Lamalou-les-Bains, chapelle Notre-Dame-de-Nize à Lunas que restaurent les compagnons du Sens et  sa fontaine (miraculeuse) des yeux…) ; abbayes de Villemagne et de Joncels ; l’étonnant village médiéval tel Boussagues au deux châteaux ; la tour médiévale de Colombière dans un cadre absolument époustouflant ; des châteaux comme ceux de de Dio et de Neyran ; le pont du diable dans les Gorges de l’Hérault. Et sans doute plus anachronique encore, le monastère orthodoxe de St Nicolas à la Dalmerie ou le centre bouddhiste de Lerab Ling. A faire rêver n’importe quel touriste blasé !

Du mont Sénégra, vue sur la cité de Boussagues, bourg médiéval fortifié avec ses 2 châteaux du XIIe siècle, ses 2 églises XII/XIVe siècle, ses fortifications, ses 25 ruelles et la Maison du Bailli (manoir de Toulouse-Lautrec) Photo FC

La chapelle de Nize au bord de son ruisseau, c’est aussi un prieuré et un lieu de pèlerinage

Chapelle Notre-Dame de Nize, sur la commune de Lunas, occupe l’ancien site d’un sanctuaire marial d’origine préromane et regroupe une chapelle, un clocher du XIIe siècle, un ermitage, une aire de pèlerinage ou encore la Fontaine aux yeux. L’objectif de Frère Marie Pâques et l’association des Compagnons du Sens (qu’il a fondé) ont pour objectif de restaurer ce site en plusieurs phases. Tout d’abord la réhabilitation de l’ermitage (presque terminée). Dans un second temps, procéder à la restauration du clocher puis de la chapelle. Chaque année, un festival de musique (Festi’Nize) y est organisé au profit du projet de rénovation de la chapelle de Notre Dame de Nize par l’association Les Compagnons du Sens. (Photos FC)
La chapelle de Nize et son prieuré se trouvent le long du ruisseau de la Nize dans un site sauvage et boisé à 3 km à l’est de Lunas. Lieu idéal pour un pique-nique et une dégustation de vins locaux rafraîchis dans l’eau du ruisseau (Photo FC)

Joncels, son abbaye et ses vignes

Joncels, village médiéval construit autour d’une abbaye bénédictine et de son abbatiale fortifiée, Saint-Pierre-aux-Liens. Son histoire est mal connue, très peu de documents la concerne et son cartulaire a été perdu. Elle serait le plus ancien monastère de la région. C’était une forteresse à l’intérieur de la place forte qui connut son apogée au XIIe siècle et son déclin au XIVe siècle. Il ne reste aujourd’hui que l’église, la salle capitulaire et une partie du cloître. (Photo FC)

Des moines pas toujours très sages !!!

Forts de leur indépendance et de leurs richesses, les moies de Joncels connaissent une période de relâchement… Ainsi, en 1321, l’évêque de Béziers les oblige à réparer l’abbaye, assurer l’office divin et le soin des malades… Il rappelle qu’il est interdit de quitter l’enceinte du monastère, que les moines doivent obéissance à l’abbé et qu’aucune femme ne saurait être acceptée !

Dans le bourg de Joncels, la porte de la Ramade qui permet de franchir la muraille du XIIIe siècle. Elle a été élargie à sa base pour le passage des véhicules. Sa toiture, faite de lauzes en schiste, est un des rares témoignages de la couverture traditionnelle de cette vallée. (Photo FC)

Quand, à Joncels, un vigneron conducteur de train trouve un trésor dans ses vignes

S’il passe beaucoup de temps dans les vignes et dans sa cave, Éric Paillès est aussi conducteur de train depuis plus de 25 ans. Il est fier d’être sur l’Aubrac, célèbre ligne menacée (un combat de plus pour Éric) ; train Intercités reliant quotidiennement Béziers à Clermont-Ferrand via Neussargues et la ligne des Causses. II avoue même ralentir son train à Joncels pour contempler ses vignes de part et d’autre de la voie ferrée.

Détenteur d’un trésor. En 2020, les ampélographes de I’INRAE ont arpenté le vignoble du domaine Le Gravezon. Dans ces vignes familiales plantées juste avant la première guerre mondiale, les scientifiques ont identifié plus d’une vingtaine de cépages différents, tous mélangés comme le grand noir de la Calmette, l’aramon gris, le rivairenc gris, la clairette rose, le gros vert, la perle de csaba, le dattier de saint-Vallier ou encore, le carcajolo ; des cépages oubliés qui côtoient des cépages plus connus. Une fois repérés dans les parcelles, ces souches rares seront multipliées et cultivées sur place alors que certaines boutures iront enrichir la collection du Conservatoire des cépages à Marseillan (34).

Parcelle de vignes d’Éric Paillès du Domaine de Gravezon à Joncels ombragée par quelques cerisiers. Son domaine possède un trésor : un sanctuaire de cépages rares et oubliés. On y retrouve 21 variétés dont le tempranillo, le villard blanc, le grand noir de la Calmette, le dattier… (Photo FC)

Trois des vins d’Éric Paillès du domaine de Gravezon à Joncels. Ils sont tous issus d’un vignoble d’altitude, à faible rendement et en agriculture bio. Les vendanges sont manuelles et les vins rouges, sans artifice et pas filtrés. 1/Aqueste Còp ! Cette cuvée provient de vignes plantées avant la guerre de 1914. Sanctuaires pour les cépages oubliés, on y retrouve le grand noir de la Calmette, morastel, petit bouschet, aramon ou encore alicante de pays… des cépages autochtones qui traversent le temps et réservent aux amateurs de vin, un délicieux retour aux sources, mais surtout l’héritage d’un terroir, d’un patrimoine (vendu en Vin de France) 2/Camarade. Cette cuvée provient aussi de vieilles vignes séculaires. La création de cette bouteille se veut participative : pour chaque bouteille vendue, 50 cts sont reversés à l’association de défense de la ligne SNCF Béziers Neussargues Clermont Ferrand. Assemblage de 50 %grenache, et 50 % cépages oubliés. 3/La Promesse d’Issiates. Selon la légende, le Baron d’Issiates s’éprit d’une jolie bergère. Plutôt que de céder à ses avances, elle se jeta dans le vide. Entrainé dans la chute, le Baron fit pénitence et revint à la vie. Il fonda le monastère près d’une source jaillissant des Joncs : c’est ainsi que naquit Joncs-Cella, puis Joncels. Vendu en Vin de France. Ce vin de grenache est élevé 12 mois en barriques de chêne français. Photos FC

L’Orb, ce fleuve côtier de 135 km qui fédère un territoire unique en Languedoc

L’IGP Haute Vallée d’l’Orb (deuxième territoire en IGP le plus étendu de l’Hérault) recense 1400 ha de vignes sur 32 communes qui de près ou de loin suivent les rives escarpées de l’Orb, fleuve côtier de 135 km. Il prend sa source en Aveyron et se renforce d’une bonne centaine d’affluents et notamment le Gravezon dont la source se trouve sur la commune de Joncels (plateau de l’Escandorgue) ; la Mare traversant Villemagne-l’Argentière pour se jeter dans l’Orb à Hérépian, vallée dominée par les massifs du Caroux et de l’Espinouse* où alternent montagnes, plateaux et gorges (Héric et Colombières). Enfin le Jaur, l’affluent cévenol de l’Orb dont la vallée se resserre entre les Monts de l’Espinouse et les hauteurs du Minervois. Une fois s’être renforcé du Jaur à l’aval d’Olargues (l’un des plus beaux villages de France), le fleuve va amorcer un véritable angle droit avant d’entreprendre sa descente vers la Méditerranée : Vieussan, Roquebrun réputé pour ses orangers et son mimosa (le « petit Nice » de l’Hérault). L’Orb traversera ensuite Bézier et par les écluses de Fonséranes, le canal du Midi (par le pont-canal sur l’Orb inauguré en 1857). Puis, Sérignan et enfin la mer à Valras-Plage.

*A près de 1200 m d’altitude, l’Espinouse forme une ligne de crête assurant le partage des eaux entre les bassins atlantique et méditerranéen.

Survol du lac d’Avène depuis l’aérodrome de Bédarieux-La Tour-sur-Orb : vol à bord d’un Robin 4 places. Tout proche de la ville thermale d’Avène, situé dans les Monts d’Orb, le Lac d’Avène est une retenue d’eau artificielle qui permet de réguler le cours du fleuve l’Orb. Il s’étend de Ceilhes à Avène sur plus de 6 km. Entouré de forêts, c’est un véritable petit paradis pour les pêcheurs ainsi que pour les amateurs de randonnées (Photo FC

La vallée de l’Orb du haut de Notre-Dame de Capimont

Le sanctuaire de Notre-Dame de Capimont surplombe magistralement la vallée de l’Orb. Il est perché à 400 m d’altitude au-dessus de Lamalou les Bains et d’Hérépian. De l’esplanade devant la chapelle, une superbe vue panoramique s’étend de Carlencas au Caroux et du Pic de la Coquillade à l’Orb ; lieu de paix et de fraîcheur au milieu de chênes verts. A la chapelle romane du XIIe siècle, fut accolé un ermitage du XVIIe siècle. Elle est le témoin du passé religieux des villages avoisinants. Derrière l’édifice, un sentier escarpé mène à une petite chapelle au sommet d’un escalier monumental, la chapelle Ste-Anne, (mère de la Vierge).

Un lieu de pèlerinage

Lieu de pèlerinage*, une tradition qui date de 1612 après la fin d’une épidémie de peste, où il a été décidé d’accomplir chaque année un pèlerinage pour se protéger de la peste. Ainsi, les pèlerins de Bédarieux, en mai, faisait pour les plus courageux, à pied, le trajet et la montée à Capimont, conduits par leur curé où, après la messe, on partageait le repas (retour après les vêpres). Il était aussi de tradition de monter jusqu’à la petite chapelle de Sainte-Anne que fréquentait les jeunes filles en quête d’un époux.

*Pèlerinage qui a continué jusqu’aux années1970. Aujourd’hui, un office est toujours célébré le 15 août. Pour rendre ce lieu vieux de 1000 ans, plus vivant, une association a été créée et notamment pour réhabiliter l’ancien ermitage et y accueillir un « ermite » qui garderait le site et recevrait les visiteurs.

Du terreplein devant Notre-Dame de Capimont, un petit sentier mène à la minuscule chapelle Sainte-Anne, en haut d’un monumental escalier. Ils sont 3 à le descendre : Jean-François Moulin, président de l’Association « Les amis de Notre-Dame de Capimont ; Frère Marie-Pâques et une jeune sœur de la Congrégation des Sœurs de Saint-Joseph de Lyon (Photo FC)
Incroyable point de vue de la chapelle du Capimont près d’Hérépian au milieu des chênes verts, des chênes blancs et des saules (osier). Cette jeune sœur de la Congrégation des Sœurs de Saint-Joseph de Lyon présente ce jour-là ne se lasse pas du spectacle : du haut de ce promontoire rocheux, suspendu au-dessus du vide, la vallée de l’Orb et en contre-bas, Lamalou-les-Bains. En face, le paysage grandiose des Monts du Caroux et de l’Epinouse (culminant à 1124 m) ainsi que la très émouvante forêt des écrivains combattants (Première Guerre mondiale). Photo FC

La descente de l’Orb vers Béziers, le canal du Midi et la Méditerranée

A partir de Saint-Martin de-l’Arçon (entre Olargues et Colombières-sur-Orb), l’Orb va quitter la montagne pour entreprendre sa descente vers la Méditerranée. De part et d’autre du fleuve, avec les Monts du Caroux en toile de fond, le vignoble de Saint-Chinian*. Il s’enroule autour de vingt villages au nord-ouest de Béziers en alternant un terroir argilo-calcaire au sud et un terroir de schistes au nord avec deux appellations communales : Berlou et Roquebrun. Mais l’Orb vers Saint-Chinian-Roquebrun peut être à la fois ange et démon. Il apporte l’eau nécessaire aux jardins et à la vigne, fait tourner les moulins, tempère le climat mais peut en cas de crues dévaster les basses terres.

*Située sur un terroir de schistes typique du Languedoc, cette appellation (exclusivement vin rouge) bénéficie d’un microclimat méditerranéen unique et très ensoleillé permettant la culture des orangers, des citronniers, des mandariniers en pleine terre. Le vignoble s’étend sur 600 ha. Les vendanges se font manuellement. Un cépage est emblématique ici, le carignan. Mais une part belle est également faite aux cépages traditionnels tels que le grenache, le mourvèdre et la syrah.

Le pont sur l’Orb, hameau de Ceps sur la route de Roquebrun -Saint-Chinian, en plein cœur des gorges de l’Orb. Ce pont à six arches datant du XIXe siècle qui traverse l’Orb (fleuve côtier) permit à la fin du XIXe siècle de rompre l’isolement des habitants. Il fut construit, avec une souscription alimentée par les producteurs d’amandes. Il est le point de départ d’une balade dans les vignes au début puis à flanc de colline avec une très belle vue sur le village en contre-bas niché sur un piton rocheux. A l’entrée du village, le point de vente (ou plutôt petit salon de dégustation et de vente) aménagé par les 2 sœurs, Sophie et Florence, du domaine du Vieux Chai (en appellations IGP Haute Vallée de l’Orb et AOP Roquebrun-Saint-Chinian) Photo FC

Rencontre avec des hommes et des femmes remarquables

De la mine à la vigne. Ce petit groupe de vigneron(ne)s représente aujourd’hui la nouvelle génération de vignerons regroupée au sein du Syndicat de Défense des vins IGP Haute Vallée de l’Orb (sous la présidence d’Emeric Mas et de Gaël Jouvet). Si certains proviennent de Belgique, Mark et Koen du domaine Mas de la Doux d’autres sont depuis des générations ancrés sur cette terre. Beaucoup parmi eux ont retrouvé les vignes de leur père ou leur grand-père après une expérience professionnelle ou un tour du monde des vignobles (Chine, Argentine…). Mais ne seraient-ils pas tous, les descendants des moines des abbayes de Joncels et de Villemagne qui dès le Moyen Âge, développèrent la culture de la vigne sur les coteaux. Ils sont aussi les petits-enfants des mineurs de Graissessac qui eurent de tout temps, leur jardin de vigne. Lorsqu’en 1993, Charbonnages de France mettaient fin à l’exploitation du charbon, après 220 ans d’exploitation, certains furent formés à devenir vignerons avec subventions, prêt de matériels pour creuser restanques, chemins, établir des murets et planter la vigne. Sur ces anciennes houillères des Monts d’Orb, ancien pays noir, la vigne aujourd’hui prospère et tout particulièrement le chardonnay

*Jusqu’en 1785, ces mines étaient propriété de la baronnie de Boussagues (La Tour-sur-Orb) pour le charbon mais aussi des mines de plomb argentifère à Villemagne-l’Argentière.

Tous différents mais tous unis pour défendre leur vallée où coule quelques uns des vins les plus singuliers du Languedoc

Gaël Jouvet (Domaine Jouvet à La Tour-sur-Orb) : le cornemuseux qui fait chanter le vin
Gaël Jouvet (Domaine Jouvet) chez frère Marie-Pâques (en réalité chez son frère) à Saint-Barthélemy lors d’un mémorable dîner. Au menu, broches de sanglier et de mouflon amplement arrosées (Photo FC)

C’est l’homme à la cornemuse. Il est le barde talentueux de ces irréductibles vignerons de la haute vallée (tout en étant vice-président du Syndicat de Défense des vins IGP de la Haute Vallée de l’Orb). Les vignes du domaine sur les communes de Villemagne-l’Argentière, Pradal, La Tour-sur-Orb et Hérépian entre 260 et 400 m d’altitude, sont implantées sur des sols caillouteux argilo-calcaire où les vieux carignan et grenache côtoient syrah, viognier et chardonnay (production moyenne : 30 hl/ha). Depuis 2019, conversion à l’agriculture bio.

Vincent Augé et Jennifer Maury (Domaine Le Mas des Mesures, Le Pradal) : l’amour, la vigne et les chênes truffiers.
Cette cuvée Les Claparèdes (petits cailloux) 2018 est le premier millésime de Vincent Augé (Mas des Mesures, Le Pradal) avec une dominante de grenache noir et 30 % de syrah. La parcelle est un vieux gobelet de 50 ans situé à 400 m d’altitude et exposé sud sur un terroir de grès calcaires avec affleurements schisteux. Vinification en cuve et élevage en cuve, jarre de grès et demi-muids. Il fut servi au restaurant La Forge à Bédarieux par Vincent Augé et Jennifer Maury (Photo FC)

Vincent est œnologue de formation (séjour en Argentine, vallée d’Uco à Mendoza à la bodega Bousquet). Il a aujourd’hui été rejoint par sa compagne, Jennifer. Ses vignes implantées au-dessus de Bédarieux se situent entre 300 et 400 m d’altitude sur des terroirs variés (alluvions schisteux, grès, argilo-calcaire). Le vignoble de 3.5 ha est composé de grenache, syrah, chardonnay et des vieux gobelets complantés avec du carignan, et aramon, etc. C’est en 2018 qu’il vinifiait son premier millésime du Mas des Mesures dans l’ancienne cave de son grand-père. En 2022, nouvelles plantations avec 3 parcelles sur 1.5 ha : Parcelle 1 : grenache blanc/grenache gris/clairette. Parcelle 2 : muscat/macabeu/chenin/terret. Parcelle 3 : cinsault. A celles-ci s’ajoutent quelques fermages, des vieux gobelets carignan/grenache âgés d’une soixantaine d’années. Un projet pour le couple, construire un stockage semi-enterré pour les bouteilles à l’horizon 2023. Le domaine couvre aujourd’hui un peu plus de 7 ha.

Cédric Guy (Domaine de Bon Augure à Joncels) : aux innocents les mains pleines.

Ces vignes oubliées, aux confins de l’Hérault et de l’Aveyron, Cédric Guy les redécouvre en 2013. Ce sont celles de l’ancienne abbaye bénédictine de Joncels. Elles sont au cœur du terroir de la Haute-Vallée de l’Orb. Il va les acquérir avec l’idée de donner vie à des chardonnays élaborés pour la garde. Mais ce rêve, il ne le mène pas seul. Il le réalise avec son épouse Alice, vétérinaire de métier. Le Domaine de Bon Augure compte aujourd’hui près de 7 ha de vignes plantées sur des coteaux fortement pentus (jusqu’à 600 m d’altitude) par un paysan du village de Joncels au début des années 1990. Il y 4 ha en chardonnay, un cépage rare à une latitude si basse mais parfaitement adapté au terroir de la Haute Vallée de l’Orb, 1 ha en petit manseng et également 1 ha en pinot noir auxquels s’ajoutent quelques rangs en grenache gris, sauvignon blanc, chenin blanc et petite arvine. Pour Cédric, l’important est d’avoir un sol vivant, d’où le recours aux principes de la biodynamie épaulés par des traitements à base de cuivre, soufre, argile et terpène d’orange. Plus largement aussi, il pratique l’agroécologie : enherbement, association de cultures différentes, arbres isolés, haies mais aussi présence animale tel que le labour à cheval lorsque la raideur des coteaux empêche tout passage d’engin motorisé. Le domaine labellisé en bio en 2016, est en cours de conversion Demeter (biodynamie). Photos voir plus haut.

Vincent Bonnal (Domaine de Pélissols, à Bédarieux) : il fut expert, il est aujourd’hui artisan-vigneron
Vincent Bonnal, artisan vigneron : Le Domaine de Pélissols Rouge (85 % Merlot et 15 % Syrah) provenant de sols argilo-calcaires à une altitude entre 200 et 350 m. Enherbement naturel et total des parcelles avec gestion de l’herbe via paillage (Rolofaca). Aucun herbicide, insecticide ou produit de synthèse. Des rendements très faibles (entre 20 et 30 hl/ha). Fermentation via les levures indigènes (rien d’ajouté) et élevage en barriques de 400 l et cuve inox (aucun collage, pas de filtration).(Photo FC)

Travailler la vigne en accompagnant la nature au lieu de la combattre, élever un vin plutôt que le fabriquer, telle est la vision que j’ai de mon métier.(Vincent Bonnal, artisan-vigneron)

Il a la gueule de quelqu’un qui a beaucoup bourlingué, un visage émacié et de long cheveux retenus par un catogan. Le verrait-on sans surprise en surfeur avec la grande bleue qui n’est pas loin. Issu d’une famille de vigneron, Vincent après des études de chimie et d’œnologie décide de faire le tour du monde. Le Chili oui mais c’est la Chine qui le retient. Il y part en tant qu’œnologue-expert, consultant en marketing et formateur. Un contrat de 4 mois. Il y restera 6 ans et reviendra sur le vignoble de sa famille avec son épouse chinoise et deux petites filles qu’ils ont adoptées.

L’école m’a formé, les vignerons m’ont app. …. (dixit Vincent). Réfléchir, observer expérimenter, confronter, partager… D’expert je suis devenu paysan, et j’ai su que je ne savais presque rien. La clé pour un grand vin ne se trouve pas dans l’œnologie, mais dans un raisin sain, produit par une vigne en harmonie avec son milieu, sans pratiques perturbatrices. Alors, il a voulu sublimer le Domaine de Pélissols. L’usage de la Biodynamie, le non-travail du sol, l’équilibre de la vigne avec l’écosystème environnant, la vinification et l’élevage sans sulfite, l’assemblage des différents cépages, voilà le présent et l’avenir du domaine (en conversion vers l’agriculture biologique depuis 2012). Le tout pour sculpter des vins que je veux élégants, aromatiques, digestes, équilibrés, respectueux de la terre qui les a portés. Des vins sans élitisme mais dont on peut dire qu’ils sont bon et naturels.

Éric Paillès (Le Domaine le Gravezon à Joncels) : le conducteur de train, le vigneron militant et les cépages oubliés
Éric Paillès, vigneron militant du Domaine de Gravezon à Joncels (Photo FC).

S’il passe beaucoup de temps dans les vignes et dans sa cave, Éric Paillès est aussi conducteur de train depuis plus de 25 ans. Il est fier d’être sur l’Aubrac, célèbre ligne mais menacée de fermeture. En 2020, les ampélographes de I’INRAE ont arpenté le vignoble du domaine Le Gravezon. Dans ces vignes familiales plantées juste avant la première guerre mondiale, les scientifiques ont identifié plus d’une vingtaine de cépages différents, tous mélangés comme le grand noir de la Calmette, l’aramon gris, le rivairenc gris, la clairette rose, le gros vert, la perle de csaba, le dattier de saint-Vallier ou encore, le carcajolo ; des cépages oubliés qui côtoient des cépages plus connus. Une fois repérés dans les parcelles, ces souches rares seront multipliées et cultivées sur place alors que certaines boutures iront enrichir la collection du Conservatoire des cépages à Marseillan (34)

Mark, Koen et Paul (Domaine Mas de la Doux, à Dio-et-Valquières)) : des sables d’Ostende (Flandre) aux ruffes des bords de l’Orb.
Ils sont flamands, de la Flandre belge, ils sont trois, Koen Thenaers (maillot rouge), Paul Willems (absent de la photo) et Mark Schlettekat. Il se sont installés depuis 2011 au Mas de la Doux dans le val du ruisseau de Nombringuières, affluent de l’Orb, un vrai coup de cœur pour l’endroit. Ils voulaient faire un vin de copains. Ils élaborent aujourd’hui une gamme de vins allant des vins de cépages jusqu’aux vins de terroirs en passant par des assemblages de sélections parcellaires. Photo prise sur le grand parvis du domaine, lieu propice aussi pour des barbecues. (Photo FC)

Ils sont flamands, de la Flandre belge, ils sont trois. Koen Thenaers, Paul Willems et Mark Schlettekat. Il se sont installés depuis 2011 au Mas de la Doux dans le val du ruisseau de Nombringuières, affluent de l’Orb. Ici règnent les terres rouges du Salagou situées au pied des volcans de l’Escandorgue, à l’abri des blanches falaises calcaires. Ces trois-là vont produire (avec le vigneron Philippe Duverdier) la Roche Percée*, vins emblématiques (cuvées Blanc et Rouge) de ce terroir volcanique de basalte et de ruffes rouges ; un vignoble de 15 ha orienté au sud et à une altitude de 310 m. Résultats de belles maturités, tout en conservant de la fraîcheur. Ces conditions expliquent ces cépages plus septentrionaux (chardonnay et pinot noir) en complément du grenache blanc, marsanne, grenache rouge, syrah et cinsault.

*L’ambition est de produire la plus pure expression au travers d’une gamme de vin plus étendue, allant des vins de cépages jusqu’aux vins de terroirs spécifiques en passant par des assemblages de sélections parcellaires.

Les deux domaines qui fleurtent avec l’AOC Saint-Chinian-Roquebrun

1/Jérôme Audier (Domaine La Carrière Audier à Vieussan) : des vins de famille depuis 1910
Jérôme Audier du Domaine familial Carrière Audier à Vieussan. Une belle gamme de vins produits sur des sols schisteux, très acides de la vallée de l’Orb et du Jaur (Photo FC)

Pas de doute, c’est le poids lourd de l’IGP : 60 ha dont 35 en Haute Vallée de l’Orb sur un terroir de schiste en conversion depuis 2019 à l’agriculture bio. Cette exploitation familiale depuis presque 5 générations met en avant 3 cuvées : 1/Cuvée Julie 100 % viognier vinifié en pressurage direct à basse température (40 hl/ha) ; 2/Un 100 % chardonnay, vinifié de la même façon (40 hl/ha) et 3/ Cuvée Quentin, 100 % merlot, vinification traditionnelle avec longue fermentation (50 hl/ha

Chai à Roquebrun, hameau de Ceps) : 5 générations jusqu’aux deux sœurs

Une belle histoire que celle de ces 2 sœurs qui se sont retrouvées pour exploiter les vignes de leur grand-père. Le domaine du Vieux Chai est une exploitation familiale depuis cinq générations et mené aujourd’hui par Sophie et Florence. Les vignes se situent dans la partie méridionale du Parc Naturel Régional du Haut-Languedoc, autour du hameau de Ceps, sur le terroir de Roquebrun-Saint-Chinian. Entre cultures anciennes et cultures palissées, le domaine s’étend sur 10 ha de vignes (classées en AOP Saint-Chinian Roquebrun ou en IGP Haute Vallée de l’Orb). Les parcelles sont réparties sur des sols argilo-calcaires près de l’Orb et sur des coteaux de schistes, entourées d’arbres et de garrigue (ciste, thym, romarin, menthe sauvage…). Dans leur travail de culture, Sophie et Florence restent très vigilantes et sensibles à la biodiversité. La vendange est récoltée à la main et les cuvées vinifiées dans la cave traditionnelle de leur grand-père. Elles produisent 6 vins rouges, un rosé, un blanc et une Catagène*. Les cépages sont ici traditionnels âgés de près de 100 ans : carignan, grenache et cinsault, plus Syrah, un peu de Mourvèdre et du Viognier. La petite oliveraie rassemble une cinquantaine d’arbres traditionnels qui permettent d’élaborer une huile douce et fruité 100 % Lucques.

*La catagène est apéritif languedocien issu de l’assemblage de 80 % de moût de raisin frais et de 20 % d’eau-de-vie de vin auquel on ajoute du sucre, autrement dit un mistelle (de l’italien misto « mélangé).

Et pourquoi pas, une nuit à l’hôtel Eau thermale d’Avène ?

Qui pourrait le regretter ? Rester une nuit dans cet hôtel 4 étoiles qui surprend par ses lignes toutes en courbes et en coursives. Se sentir bien dans cette vallée de l’Orb au milieu des montagnes ! Que demander de plus !

Le village d’Avène est blotti dans la Haute Vallée de l’Orb, au pied des Cévennes et au cœur du Parc naturel régional du Haut-Languedoc. C’est bien simple, rien que de la montagne et des forêts. En venant de Saint-Barthélemy (chez frère Marie-Pâques), une petite route tout en lacets y mène mais quel paysage spectaculaire ! Avène se découvre à peine, petite tache blanche nichée au creux de la vallée dans le vert absolu des montagnes. Alors, si vous aimez marcher, faire du vélo, faire le tour du lac d’Avène et admirer les somptueux paysages des Monts d’Orb, l’endroit est pour vous.

Dans une nature totalement préservée, on aperçoit en contrebas, la station thermale d’Avène (Hauts cantons de l’Hérault). Elle est enclavée entre, à l’Ouest les Monts de l’Espinouse, à l’Est les crêtes volcaniques de l’Escandorgue et au Nord les Grands Causses du Larzac. Avène se situe à flanc de montagne des Monts d’Orb et en bordure de l’Orb qui prend sa source à 19 km en amont du village, à Roqueredonde, au pied des falaises du Larzac (Photo FC)
Cet Hôtel Eau thermale Avène étonne par son architecture audacieuse, toute en courbes et en lumière s’intégrant parfaitement dans ce paysage de montagne (Photo FC)
Terrasse qui prolonge le restaurant de l’hôtel, lieu idéal pour un petit déjeuner ou un dîner à la fraîche (Photo FC)

Un hôtel conçu par l’architecte Roger Taillibert

L’hôtel Eau Thermale Avène dispose de 60 chambres*, d’un restaurant, de 2 piscines, d’un espace pour la remise en forme et l’établissement thermal. Cet immense bâtiment a été conçu pour le respect de l’environnement naturel et la diversité écologique. Avec les montagnes en arrière-plan, ses courbes toutes en verre et transparence sont signées par l’architecte Roger Taillibert (on lui doit également, le Parc des Princes à Paris). Une pergola conçue comme une promenade permet de circuler facilement des thermes à l’hôtel. C’est le célèbre pharmacien Pierre Fabre qui acheta en 1975, cette station thermale à l’abandon, de la vallée de l’Orb pour les bienfaits de la source Sainte-Odile, une eau faiblement minéralisée, riche en silicates aux vertus apaisantes, qui soulage eczémas, psoriasis, cicatrices, brûlures et autres lésions visibles.

*Tarif (à titre indicatif) : Bed & Breakfast en semaine : 157 € pour 2 personnes (197 € en demi-pension).

Photos souvenir de la Haute Vallée d’Orb, juin 2022 (voyage autour du patrimoine, de la nature et du vin)

Déjeuner pas tout à fait sur l’herbe mais à portée de “voix” des petits avions de l’aérodrome de Bédarieux. En gros plan, Gaël Jouvet du Domaine Jouvet, André Deyrieux (chemise bleue) journaliste et écrivain du vin, Keiko Sumino, journaliste japonaise et frère Marie-Pâques (Photo FC)
François Pottier à Saint-Barthélemy chez frère Marie-Pâques*, à quelques kilomètres d’Avène. Ancien président du Syndicat des vins IGP de la Haute Vallée de l’Orb, François Pottier fut celui qui fit accomplir au syndicat un changement radical vers des vins de haute qualité (Photo FC) *A noter que Frère Marie-Pâques propose dans le hameau gîte et meublés Galabru, communément nommé le gîte de l’Eglise de Saint-Barthélemy.
Frère Marie-Pâques devant la chapelle Saint-Poncian à Roquebrun (hameau de Ceps). Le portail s’est refermé mais devant lui, des milliers de ceps dont une partie sert à élaborer les vins de l’IGP Haute Vallée de l’Orb (Photo FC)

De la chapelle de Nize près de lunas à celle de Saint-Poncian près de Ceps, pas de querelle ! Frère Marie-Pâques ne défend qu’une paroisse, celle de la Haute Vallée de l’Orb. Terminer ce très beau périple au fil de l’Orb devant cette chapelle de Ceps, n’est-ce pas le plus beau symbole !

Haute Vallée de l’Orb, pour aller plus loin :

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